jeudi 9 avril 2009

DELICES ET MUSIQUE

Quand il est arrivé en 2005, pour prendre la direction de l'Orchestre National de Lyon, Jun Märkl, un des jeunes chefs d'orchestre les plus prometteurs de sa génération, s'était bien promis d'utiliser toutes les ressources de la ville pour l'aider à rayonner, elle et son orchestre et parmi elle, la gastronomie. Ce subtil mariage de la musique et de la gastronomie, tout en délicatesse et élégance, s'est produit à l'Auditorium de Lyon au cours de la soirée du 26 mars dernier organisée dans le but de lancer l'association Délice, initiée, en septembre 2007, par la ville de Lyon et Jean Michel Daclin, adjoint aux relations internationales de la ville.

L'idée est excellente, car on peut bien ergoter à l'envi sur le fait que Lyon est ou n'est pas la capitale de la gastronomie comme l'avait déclaré Curnonsky en 1934, il n'en demeure pas moins qu'à Lyon, la cuisine, la table, le bien manger font partie du patrimoine génétique de la ville. Le problème n'est pas de savoir s'il y a, à Lyon, davantage d'étoilés Michelin qu'à Strasbourg ou Paris. C'est avec ce genre de comptabilité détestable que l'on publie des classements d'hôpitaux ou de lycées. Ces derniers en fonction de leurs statistiques des résultats au bac. Alors que ce qui compte, c'est bien de savoir si les jeunes s'y épanouissent ou pas. Sachant que le bac, ils arrivent à peu près tous à l'avoir un jour ou l'autre, pour peu qu'ils fréquentent un lycée.

Ce qui fait de Lyon la capitale de la gastronomie, et je l'ai déjà exprimé ici, c'est qu'il s'agit d'une ville dans laquelle on mange bien à peu près partout et à des prix raisonnables. A la différence de celle qui s'exprime dans les palaces parisiens, la cuisine lyonnaise qu'elle soit servie dans les bistrots et bouchons ou à des tables plus élaborées, reste modeste et ouverte.



Curnonsky n'était d'ailleurs pas le seul à avoir ressenti cet état d'esprit entre Saône et Rhône. Déjà Rabelais, Chateaubriand et Stendhal... Quant à la grande Colette, c'est elle qui me permet de faire la transition avec la musique. Elle avait collaboré avec Maurice Ravel et disait que "Si j'avais un fils à marier, je lui dirais : méfie-toi de la jeune fille qui n'aime ni le vin, ni la truffe, ni le fromage, ni la musique."

Tous ceux qui étaient, ce soir là, à l'Auditorium de Lyon étaient évidemment tout à fait en phase avec ce propos. Ils ont assisté à un concert au cours duquel des séquences vidéo et même la création d'une oeuvre pour ustensiles de cuisine composée par les musiciens de l'Orchestre, était fondue avec des interludes musicaux connus du grand public. On a entendu "Casse-noisette" et la "Danse de la fée Dragée" de Tchaïkovsky, "L'amour des trois oranges" de Prokofiev, "Otello" de Verdi et une dizaine d'oeuvres en tout.

Sur la scène, 4 chefs des Toques Blanches Lyonnaises, Christophe Marguin, son président entouré de Jean Paul Lacombe (Léon de Lyon) et des deux nouveaux doubles étoilés Michelin, Mathieu Viannay (la Mère Brazier) et Guy Lassausaie. Lyon célébrait ainsi l'alliance de la musique et de la gastronomie et lançait en même temps, en recevant le chef Chen Pinghui de la ville de Canton, en Chine, le premier événement du réseau Délice qui regroupe 17 villes gourmandes dans le monde. Parmi elles, Leipzig, qui organisera le prochain "Delice on tour" du 5 au 7 mai 2009 et Lausanne, qui prend date pour novembre 2009. la ville suisse presque obligée de par la qualité de sa fameuse école hôtelière

L'idée est intéressante, alors même que la France tente de faire inscrire sa gastronomie au Patrimoine de l'Humanité (le projet est ambitieux...), que jamais le public ne s'est autant intéressé à la cuisine (les cours fleurissent un peu partout et les livres de cuisines abondent), alors même que les restaurants voient leur fréquentation chuter d'importance. L'opportunité (un peu urgente quand même...) de trouver un nouveau souffle.