mardi 27 novembre 2012

NOËL A L'ITALIENNE


Du vin, des truffes, des chapons, du parmesan, ils ont tout ce qu'il faut les Italiens de la plaine du Pô pour préparer un réveillon d'exception, même si un tout petit peu différent des nôtres. 

Embarquement immédiat pour la province de Mantoue en Lombardie, à la limite de l'Emilie Romagne, tout près de Vérone et pas bien loin de Venise…

Si les chapons de Gianfranco et Raffaella Candadori n'ont pas les pattes bleues comme les volailles françaises de Bresse, les plus renommées de notre patrimoine gastronomique, elles n'en sont pas moins très bien nourries de façon tout à fait traditionnelle (maïs, son, farine de soja sans OGM...) avec en supplément 2 baies locales qu'elles peuvent picorer à volonté en s'ébattant en toute liberté dans les 7 hectares de la propriété.

En Italie, ce que l'on appelle les "Azienda" sont en fait des entreprises, mais, à l'instar du Caselle à San Giacomo delle Segnate où sont élevés les fameux Cappone dei Gonzaga, ce sont des agritourismes. Des fermes italiennes où l'on peut manger et se loger et qui répondent à une charte très stricte. Ils doivent servir au moins 30% des produits de la ferme et 40% en provenance des fermes environnantes s'il ne produisent pas tout. Il y en a 250, - dont 60% totalement bio - , dans la province de Mantoue à l'extrême sud-est de la Lombardie, 40kms de Vérone et moins de 2 heures de Venise.

Les tortelli di zucco, fleurons de la cuisine mantovane

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La belle ferme de Gianfranco et Raffaella ressemble à un château et ils ont de nombreux clients fidèles. Le développement des agritourismes n'a pas provoqué de concurrence trop importante pour les hôtels, ces derniers ne sont pas suffisamment nombreux dans une région qui s'ouvre seulement au tourisme et compte bien sur ses visiteurs pour panser ses plaies.

Car c'est là et tout près qu'a eu lieu le tremblement de terre en mai l'an passé. Le résultat, c'est que de nombreux bâtiments historiques comme l'abbaye du Polirone (qui fait partie des sites clunisiens) à San Benedetto Po sont en réfection. On ne visite plus non plus la chambre des époux au Palais Ducal de Mantoue  où ont vécu 18 générations de Gonzague entre 1328 et 1707. Le bon plan, c'est donc de s'y rendre en hiver pour déguster toutes les spécialités gourmandes de la région et y retourner au printemps quand les musées, églises et monuments aujourd'hui fermés, seront à nouveau ouverts à la visite.

La belle et appétissante Raffaella prépare son chapon en filets "à la Gonzague", noblesse oblige. Mais son autre grande spécialité ce sont les tortelli di zucco, c'est à dire les ravioli au potiron qui sont un must dans la région. Avec son coquet bonnet qui lui sert de toque de cuisinière sur la tête, elle entraîne ses clients dans un de ses cours de cuisine, si renommés qu'elle joue souvent à guichet fermé.

Raffaella Candadori
Il s'agit de préparer la pâte des raviolis avec de la farine dans laquelle on fait un puits pour verser des œufs frais et de pétrir le tout du bout des doigts jusqu'à obtenir une pâte souple que l'on va étaler ensuite finement. Plus facile à dire qu'à faire malgré les injonctions énergiques de la maîtresse de maison. "Cosi…cosi…", "giro…giro…" ("comme ça...comme ça", "tourne, tourne"!).

Il s'agit ensuite de déposer la farce préparée à base de purée de courge, de parmesan, de petits biscuits amaretti écrasés et de moutarde mantovane. Ce qui donne à la préparation un exquis petit goût de pain d'épices qui enchante le palais. L'exercice qui consiste à former le petit coussinet pour l'enfermer dans la pâte est aussi un grand moment. Mais la dextérité, comme pour tout, s'acquiert en s'exerçant.

A la table de Raffaella, qui reconnaît "qu'elle n'a pas besoin de ses cours de cuisine pour faire vivre l'entreprise, mais qu'elle le fait parce qu'elle adore ça! ", on se régale aussi de la sbrisolona, un gâteau qui ressemble un peu à un crumble avec des noisettes et fruits secs, qui ne se coupe pas mais se détaille entre les doigts. Idéal à rapporter comme cadeau pour la famille et les amis, il se conserve extrêmement bien.

On trouve aussi la fameuse moutarde, un peu partout autour de Mantoue et sur la rive gauche du Pô. Elle n'a rien à voir avec le condiment auquel on est habitué, mais elle vaut le détour. Il s'agit de fruits taillés (pommes, poires, melons…) en tranches et confits dans leur jus, que l'on caramélise ensuite et que l'on additionne d'huile essentielle de moutarde. Raffaella la prépare artisanalement à partir d'une recette familiale.

Trois Routes Gourmandes

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Dans la province de Mantoue, les vins comme le Lambrusco Mantovano DOC, un "frizzante" rouge aux arômes de fraise et de framboise ont leur route des Vins et Saveurs mantouans qui court sur 300km. D'octobre à février, on ne manque pas non plus de déguster la truffe blanche Tuber Magnum Pico, la même que celle d'Alba, mais la capitale de ce produit luxueux et hors de prix où se tient le marché international, ne veut pas partager son appellation.

Pour en savoir davantage, on commence en visitant le musée de la Truffe à Bonnizzo di Borgofranco et on suit la route de la Truffe en faisant étape dans les restaurants et commerces qui la vendent et la préparent. Comme au Corte Della Marchesa à Carbonara di Po, une belle et vaste demeure tenue par de tout jeunes gens dont la mamma dirige les cuisines aux côtés d'un chef. Au menu, risotto à la truffe, œuf à la truffe et sbrisolona aux pommes.

Evidemment, le parmigiano reggiano règne en maître sur le plateau de fromages. Cette spécialité à base de lait de vache est connue dans le monde entier et, si les coopératives qui recueillent le lait dans les fermes arrivent à produire une quantité respectable tout en suivant les recettes ancestrales, les paysans plus âgés se souviennent qu'autrefois, on se contentait de chauffer le lait dans une casserole, de le séparer de la crème que l'on gardait pour faire le beurre, d'ajouter la présure, de mouler le caillé, de conserver dans un bain salé et de laisser vieillir. Exactement comme aujourd'hui.

On ne saurait bien sûr consommer de risotto sans parmesan râpé. Le riz a aussi son périple dans la province (c'est l'équivalent du département français), la Route du Riz et du Risotto mantouansDans la plaine du Pô et de ses affluents, les rizières sont à l'aise et les innombrables variétés de riz (Arborio, Carnaroli et le fameux Vialone None…) permettent d'obtenir des préparations sensiblement différentes.

Voir la vidéo... (8:58)
A la Galerie d'Art Contemporain Premio Suzarra, à Oltrepo - qui par ailleurs a récupéré de nombreuses œuvres dans les églises secouées par le séisme et en présente une installation en situation avec une mise en scène assez bouleversante, - une salle rassemble des tableaux et photos qui montrent les ouvriers (surtout les ouvrières d'ailleurs) des rizières qui ont inventé le risotto alla pilota , littéralement "à la saucisse" qui est en fait un saucisson.

C'est Claudio Mezza qui en est le spécialiste. A l'agence agricole Corte Valle San Martino de Moglia, il a monté un musée de la Civilisation Paysanne en hommage à son grand-père Giuseppe. Il élève environ 200 cochons pour produire un authentique saucisson ( le "salam" en patois mantovan) qu'il commercialise jusqu'en novembre. Sauf qu'à la mi-octobre, il ne lui en restait déjà plus un seul!

Rendez-vous donc au printemps pour le saucisson, visiter les musées réhabilités, découvrir une vie culturelle très intense et continuer à profiter de cette belle région qui a quantité d'autres ressources passionnantes.

mardi 6 novembre 2012

LE PÉPLUM, C'EST DU GRAND CINÉMA!


En arpentant les allées du musée Gallo-Romain de Fourvière qui surplombe le théâtre antique de Lyon, on se dit que l'idée est brillante de parsemer les collections, de projections de "peplums" entre les installations. L'occasion de découvrir les uns et les autres, ici et à Vienne/Saint Romain-en-Gal au bord du Rhône, et de pénétrer dans l'histoire antique y compris fantasmée et sans complexe.

Tout à côté des projections, sur écran de cinéma et pas sur des écrans plats de télé, installées dans le parcours de l'exposition permanente, veille la Table Claudienne de l'Empereur Claude, né à Lugdunum et emblématique de la ville fondée par les Romains en 43 avant J-C, en même temps que d'autres précieux objets archéologiques.

Pour donner de la vie à cette collection qui pourrait paraître un peu austère, l'exposition Peplum qui dure jusqu'au 7 avril 2013 dans les musées Gallo-Romains de Lyon et Saint-Romain-en Gal, s'articule sur deux thèmes que l'on pourrait résumer ainsi "l'Antiquité spectacle" à Lyon et "L'Antiquité au cinéma" à Vienne.

Ce grand événement qui utilise ces films historiques à grand spectacle dont raffole le public depuis l'invention du cinéma, ne prétend pas légitimer les scénarios de ceux-ci, loin de là. Il s'agit en fait de relier l'illustration de l'antiquité avec le cinéma dont Lyon est le berceau avec les frères Lumière. L'Institut qui porte leur nom est d'ailleurs partenaire de l'exposition par le Conservatoire de Lyon et propose cycles "Péplum" et ateliers sur le sujet.

Une course de chars d'anthologie

Voir le docu... (Sous-titres activés, c'est mieux!)
Les plus âgés d'entre nous se souviendront longtemps des cinémas bondés, même dans les villages, à la sortie du Ben Hur de William Wyler en 1959 avec sa course de char qui durait une demi-heure montre en main. Claude Aziza, historien de l'antiquité Fantasmatique (ce qui est riche de promesses quant à l'intérêt que le sujet devrait susciter…) avec quelques autres respectables sommités, s'amuse à balayer les idées reçues et à raconter une foule d'anecdotes. Ainsi apprend-on que les créateurs de péplums ne manquaient pas d'imagination, car s'il fallait établir une biographie fiable de Spartacus, elle tiendrait sur une dizaine de pages. Et l'historien précise "A peu près comme pour Jésus!"

William Wyler, encore lui, n'a jamais voulu toucher à la course de chars de son Ben Hur de 1959. Il avait réalisé celle de la version de 1925 et il a été pris d'une angoisse au moment de se lancer dans celle-là. Il a confié les rênes de l'exercice à un jeune assistant prometteur, un nommé Sergio Leone qui s'en est fort bien tiré.

Tout est à l'avenant. Les péplums brodent beaucoup sur l'histoire. Bizarrement les séries télévisées sont plus fiables parce qu'elles disposent souvent de davantage de temps pour détailler l'intrigue. Et puis l'on est, de nos jours, plus scrupuleux avec la vérité historique.

Ils sont tous là ou presque
Gladiator de Ridley Scott avec Russel Crowe, L'enlèvement des Sabines de R. Pottier, les deux Ben Hur précédemment cités, Quo Vadis de E.Guazzoni - bien à sa place dans la ville qui accueillit la plus ancienne communauté chrétienne de la Gaule et connue pour le récit du martyre de 177. Ce qui vaut encore aujourd'hui, le titre de Primat des Gaules à son archevêque - Fabiola de A.Blasetti et Massada de M.Bonnard et celui de B.Sagal tournent en boucle dans les 5 parties de l'exposition permanente qui leur ont été dévolues.

A Saint-Romain-en-Gal, on est davantage dans une configuration d'exposition temporaire avec un espace aménagé. On est accueilli par le tableau de Lionel Royer représentant Vercingétorix déposant ses armes aux pieds de César et l'exposition et ses projections s'articule dans 11 cellules autonomes avec des thèmes caractéristiques du genre :

Voir le film en version intégrale... (2:34:35) !
Le héros antique et même l'héroïne avec Cléopâtre de Mankiewicz et la sublime Elizabeth Taylor,  Samson et Dalila de Cecil.B.DeMille. Les catastrophes, naturelles comme dans Les derniers jours de Pompéi de L.Maggi (1908) et E.Rodolfi (1913), mais aussi divines avec les Plaies d'Egypte et Sodome et Gomorrhe. La religion et Les Dix Commandements de Cecil B DeMille et les héros hollywoodiens mythiques avec Yul Brunner en Ramsés, Gina Lollobrigida en reine de Saba, Kirk Douglas en Spartacus, Charlton Heston en Ben Hur…

Sans oublier, bien sûr, les 45 secondes de Néron essayant des poisons sur des esclaves tourné en 1897 par Alexandre Promio, chef opérateur des frères Lumière, et qui est au péplum ce que L'Arroseur arrosé est au cinéma en général. Le début d'un cinéma de fiction.

Des activités culturelles en nombre
Evidemment le sujet est un régal pour que puissent s'organiser de multiples activités culturelles autour de cette exposition qui a reçu, avec 19 autres, le label d'intérêt national du Ministère de la Culture et bénéficie donc d'une subvention de l'Etat.

Après la Nuit du Peplum organisée le 17 juin en avant-première aux Nuits de Fourvière, une autre est prévue le 19 janvier dans le cadre d'un week-end Péplum les 19 et 20 janvier 2013 et des projections en intégralité le dimanche de certains des films présentés.

Des ateliers proposent aux enfants de découvrir l'univers des gladiateurs (le 25 novembre), de créer des accessoires et de participer à un réveillon à la romaine les 30 décembre et 27 janvier. Les idées foisonnent autour du sujet, mais il faut bien reconnaître qu'il s'y prête admirablement.