vendredi 3 juin 2016

LE PALAIS DES GLACES DE LUC JACQUET

AntarcticaLa curiosité des jeunes manchots empereur ® Vincent-Munier.

Cette année, on rejoint les rives de la Méditerranée via l’A6 et l’A7 en faisant un détour par l’Antarctique. L’exposition « Antartica » de Luc Jacquet est installée jusqu’au 31 décembre au formidable Musée des Confluences de Lyon. Impossible à manquer depuis l’autoroute avec sa structure impressionnante au bord du Rhône...


La banquise s’installe à Lyon et les touristes de l’Europe du nord pourront en profiter pour se « rafraîchir » en visitant l’exposition du réalisateur oscarisé en 2006 pour « La Marche de l’Empereur ». C’est dire s’il est dans son élément pour raconter le Pôle Sud.

En immersion totale, visuelle et sonore.
C’est l’été dernier que l’exposition a germé dans l’esprit des équipes du Musée des Confluences suite à la rencontre avec les équipes de l’expédition polaire « Antartica ». Une fois décidée et les problèmes administratifs résolus, l’équipe de 11 scientifiques extrêmement pointus n’avait guère plus de deux mois pour ramener des images inédites et monter une exposition d’un genre totalement nouveau puisque conçue en immersion.

Luc Jacquet, le cinéaste à la formation de biologiste, totalement investi avec l’association Wild-Touch qu’il a fondée en 2010, a une ambition : celle d’utiliser le cinéma et les histoires qu’il raconte pour sensibiliser le monde à la protection de l’environnement et de la biodiversité.


Une fois rejointe la base scientifique Dumont d’Urville en Terre Adélie qui est à plus de 10 jours de bateau de l’Australie, il reste moins de 2 mois pour profiter de la saison « d’été » pendant laquelle les températures oscillent entre 0 et – 20° et se révèlent supportables pour l’homme. Mais c’est surtout parce que, à la fin du mois d’octobre, le printemps est explosif sur le continent blanc et la vie se met à foisonner.

Il faudra jusqu’à 4 jours d’attente, appareil photo en main à Vincent Munier pour saisir le déplacement des manchots sur la terre fracturée et 8 jours pour capter la mise à l’eau des poussins manchots empereurs. Pressés par le temps, les artistes scientifiques se doivent de le prendre pour restituer le monde de glace et la vie de ses habitants.

160h de rushes pour 1 heure de film.
Il n’y a que 7 espèces vivant sur la banquise, l’exposition nous les montre sur un mur d’images à 360° où l’on peut prendre son temps en s’installant sur des fauteuils qui figurent la glace pendant que souffle un petit vent frisquet qui met dans l’ambiance. Pas une parole, pas un commentaire, seuls les bruits de la nature sont perceptibles.


 « "L’Oscar pousse certes les portes des bureaux, mais il ne constitue pas une garantie pour obtenir des financements" affirme Luc Jacquet. Il permet tout juste de recevoir de nombreuses invitations à des cocktails et à des premières ! »
  

Des animaux qui n’ont pas peur de l’homme.
En revanche, il y a quelques 9000 espèces de poissons, mollusques, crustacés, coraux, algues géantes dans les eaux de l’océan austral, un milieu froid (environ 2°C) mais très vivant en raison d’une salinité, d’une température et d’une luminosité relativement stables tout au long de l’année.

Malgré l’épuisement – c’est tout de même très physique – Laurent Ballesta, biologiste explorateur naturaliste, multiplie les expéditions sous la glace. Parce que dominer sa fatigue en vaut la peine dans le sens littéral du terme.

Il aura effectué 53 plongées pendant les 45 jours, mais aura rapporté des vidéos d’animaux que l’on n’a jamais vus. Certains dont on connaissait l’existence sans jamais avoir eu d’images, certains que l’on croyait totalement disparus et d’autres totalement inconnus.


Ces fonds sous-marins glacés sont d’une incroyable luxuriance, d’une beauté absolue et hallucinante et malgré son épuisement et ses terminaisons nerveuses anesthésiées par le froid (il n’a pas encore récupéré toutes les sensations dans les orteils), il savait qu’il ne fallait pas rater un seul instant.

D’autant que les animaux, qui ne sont pas victimes pour des raisons évidentes des comportements prédateurs de l’homme, se révèlent très accueillants. Les phoques de Weddel nagent aux côtés des plongeurs ; à la surface les manchots les gratifient même d’une parade amoureuse.

À Laurent, il ne faut pas dire que les manchots sont maladroits et s’esclaffer devant leurs glissades. Le sol gelé n’est pas leur élément, mais ils sont d’une grâce absolue quand ils nagent au large où ils vivent la plupart du temps.

C’est pour cela qu’il est important de pénétrer dans l’exposition par le vestiaire de l’équipe. Pour découvrir le matériel et les 4 couches de vêtements, dont une combinaison chauffante qu’ils doivent porter. Ce qui est aussi épuisant que les plongées. Tous se souviennent avoir vu les autres endormis, affalés sur la glace et incapables de bouger sous le soleil de minuit.

« Les amoureux des chaussures et tout ce qu’elles symbolisent ont rendez-vous au Musée des Confluences pour découvrir l’exposition « À vos pieds » du 7 juin au 30 avril 2017 à la découverte de souliers issus de tous les continents et qui furent portés entre le 16ème et le 21ème siècle. » 
Toutes les espèces sont interdépendantes.

C’est le message que Luc Jacquet, qui prépare 5 expéditions dont « Antartica » est le premier volet, entend faire passer en restituant ces expériences strictement réservées aux scientifiques et leurs observations. Il aime l’idée de « raconter la science en plusieurs dimensions ». Et livre cette anecdote qui n’en est pas une mais plutôt une observation majeure et inquiétante.

Le dernier jour de l’expédition, il s’est mis à pleuvoir et, pour s’être rendu dans l’Antarctique en 1992, il peut témoigner n’avoir jamais vu ça. Les animaux non plus et les poussins manchots empereurs qui ont un duvet qui n’est pas étanche ont attrapé froid. Le résultat, c’est que 30 000 poussins sont morts de froid, ce qui fait deux générations perdues. Et ça, c’est particulièrement grave.