mercredi 27 juillet 2011

LA MER SUR UN PLATEAU



Il s'agit là du plateau d'une scène et non pas de celui des fruits de mer. La mise en scène des côtiers, les pêcheurs qui rentrent au port du Guilvinec, chaque soir vers 17h et qui font le spectacle pour les centaines de touristes, amoureux de la mer et en visite au bout du bout de la terre de France, le Finistère... Ils envahissent la vaste terrasse d'Haliotika, la cité de la pêche ouverte depuis le printemps 2010 et couverte, depuis, de récompenses touristiques. Là, ils mitraillent avec les numériques et les portables, filment les caisses de poissons et de langoustines juste pêchés.

Haliotika, c'est le must de cette région du Finistère sud, là où il fait plus doux qu'au nord (+3°) et où l'on chemine de petites villes en petites villes qui vivent de la pêche et du tourisme, un peu aussi de l'agriculture et d'artisanat industriel (biscuiteries, vêtements de sport…). Douarnenez, Concarneau, mais aussi Pont Aven, célèbre pour ses peintres, venus là parce que, fauchés, ils avaient trouvé la vie moins chère qu'à Barbizon et autour de Paris. Ils y ont rencontré l'inspiration. Bénodet, Sainte Marine, ce sont les ports touristiques de cette belle contrée où la floraison des hortensias de toutes les couleurs ne ménage pas sa peine. C'est aussi un peu le Saint Tropez breton. On y reviendra... La pêche et les pêcheurs sont le sujet de ce sujet.

Mais le nord ne cède en rien au sud, au niveau de l'intérêt touristique dans un département qui en formait deux il n'y a pas si longtemps et qui détient le record des grands sites naturels à visiter. Brest, par exemple, qui vaut mieux qu'une reconstruction mal menée, mais avec un enthousiasme redoutable, par son architecte d'après guerre!La ville attire beaucoup de monde et il fait bon y vivre comme l'expliquait cette jeune femme dans l'avion. Elle y est installée depuis 3 ans et apprécie sa vie culturelle intense, le charme des sites de l'Arsenal et tout ce qui vibre et bouge dans la plus grande ville du Finistère. D'ailleurs, au départ et retour de Lyon et Paris sur les vols quotidiens d'EasyJet, les avions sont pleins et, en dehors des touristes qui s'y pressent de plus en plus nombreux, il ne faut pas oublier non plus que Paris est la ville la plus peuplée de Bretagne. Ou plutôt de Bretons. D'où le résultat...

Mais s'il est un lieu qu'il ne faut pas manquer à Brest c'est Océanopolis, le Centre de Culture Scientifique et Technique de la Mer créé depuis un peu plus de 20 ans. Il s'agit d'un parc de découverte des océans unique en Europe et qui s'est opportunément installé dans la rade du port particulièrement en raison du fait que 60% des chercheurs et ingénieurs océanographiques français s'y trouvent. Avec une exposition permanente sur les mammifères marins (120 espèces au monde) et "Océans de Vies ", une exposition temporaire dans le Pavillon de la Biodiversité qui dure jusqu'en 2012, la structure est le fer de lance du développement touristique de la région. On passe des heures à Océanopolis à la découverte des différents pavillons et de leurs habitants. Tempéré, Polaire et Tropical. Au début de l'été 4 poussins papous sont nés dans la manchotière. Tout cela pour dire que la vie marine y est vibrante et vibrionnante.

A noter que, comme tous les 4 ans, Brest se prépare pour sa grande fête maritime du 13 au 19 juillet 2012, baptisée désormais les "Tonnerres de Brest", en hommage certes, au Capitaine Haddock, mais aussi aux origines du juron en question. Quand un bagnard s'échappait, on faisait tonner le canon pour avertir les habitants.

Revenons à nos moutons ou plutôt à nos poissons et pêcheurs "côtiers ", qui partent pour la journée, mais aussi "hauturiers " qui restent 14 jours en mer et dont le ballet des bateaux de retour dans le soleil couchant du port du Guilvinec est absolument grandiose. Chacun vient se ranger à quai, décharge sa cargaison en 2 temps, 3 mouvements et repart se garer à son attache. Après, il y aura le spectacle de la criée auquel le public est convié sur inscription préalable.

Christiane Vatier, enthousiaste responsable aux côtés de Gaétane Launay, insiste: Haliotika n'est pas un musée, ce qui n'est ni un défaut, ni une qualité (en la matière, le Port Musée de Douarnenez, dont je vous parlerai un peu plus tard, remplit cet office avec brio). C'est un lieu malin, qui a su faire une attraction avec l'activité pêche qui passionne les foules et suscite beaucoup de curiosité.

Dans l'espace exposition, on découvre, avant ou après le retour des chalutiers, la pêche d'aujourd'hui et ses acteurs. Johan, le côtier et Philippe, le hauturier qui sont en mer et dont les portraits grandeur nature accueillent le visiteur pour lui raconter leurs journées. Leurs épouses disent aussi, en vidéo, la vie des femmes de marins. Tout y est, la flotte du Guilvinec en miniature, les filets, le poste de pilotage reconstitué avec ses ordinateurs et le bruit des flots qui battent les flancs du bateau et même la pêche d'hier racontée par Claude Garo, côtier retraité avec l'exposition de ses cahiers d'écolier soigneusement conservés qui datent du temps où il apprenait à faire des noeuds!

Ensuite, c'est la criée. Le temps où le commissaire hurlait pour vendre les cargaisons est révolu, mais les enchères, qui figurent sur un tableau électronique télécommandé, restent descendantes et la tension est extrême pour emporter un lot à son meilleur prix, au risque soit de le payer trop cher, soit de se le voir passer sous le nez. Mais des cris, il y en a tout de même, ce sont les voix de Philippe, Valérie, Anastasia, Anna, les guides d'Haliotika qui expliquent le fonctionnement et présentent les espèces pêchées aux visiteurs. La plupart des filles sont étudiantes en job d'été, mais elles racontent fort bien comment la lotte, quand elle a toute sa tête, s'appelle la baudroie. Et aussi à faire la différence entre sole et limande sole, à comprendre pourquoi ces espèces qui naissent avec un œil de chaque côté de la tête se retrouvent ensuite avec les 2 du même côté!

Dans le souci d'être "live " Haliotika propose de nombreuses animations et visites. En dehors de la criée de début de soirée, il y a aussi celle du retour des hauturiers qui se tient à... 5h30 du matin! Celle de la nuit à laquelle on assiste après avoir dégusté une soupe de poissons, les sorties "Pêche en mer " à bord d'un chalutier ou à bord d'un canot de sauvetage de la SNSM pour découvrir le travail de ces "urgentistes " de l'océan, la pêche à pied, la dégustation de langoustines après la criée...

La "criée qui crie ", comme autrefois, Simon de Concarneau qui fait le guide dans le port thonier depuis 1993, la reproduit lui-même, comme au théâtre, pour les groupes auxquels il raconte la mer et son port. Fils de patron pêcheur, il a toutes ses entrées à bord des chalutiers et propose même des visites aux touristes en y mettant les précautions qu'il faut. Car gagner la confiance et la garder consiste surtout à ne pas la trahir.

Sa petite société baptisée "A l'Assaut des Remparts" propose un programme très éclectique. Visite de la biscuiterie Traou Mad, de la brasserie artisanale Britt, des Viviers de la Forêt avec dégustation d'huîtres à volonté et de la criée bien sûr, à toute heure de la nuit ou du petit jour.

Dans la ville close, dont les remparts du XIVè siècle ont été reconstruits au XVIème siècle puis modifiés par Vauban, il est, si l'on ose dire, comme un poisson dans l'eau. Il raconte les peurs ancestrales des agressions, de la maladie et des intempéries et comment on les affrontait avec les créneaux, les meurtrières, les armes. Il dit, comme on le sait bien, qu'elles existent toujours, mais que les outils comme les caméras et les portables ont remplacé les ressources d'autrefois. Et reconnaît, avec moi-même qui le pense depuis longtemps, à quel point la haute mer et la haute montagne se ressemblent dans leur rapport avec les hommes qui ont une âme d'aventuriers. D'ailleurs, et pour appuyer le propos, certains chalutiers du port de Concarneau s'appellent "Galibier ", "Lautaret ", "Tourmalet ".

Au patron pêcheur auquel il nous présente, il précise "ce sont des journalistes qui viennent de la montagne ". Je corrige "Non, non, nous venons juste de Lyon! " Et le marin de répondre aussitôt "Ben oui, de la montagne ". En haussant légèrement les épaules... Evident.

P.S.: Pendant le mois d'août, French-Tourisme dort d'un oeil. Cet édito breton restera à la "Une " jusque vers la fin du mois. Ensuite, nous nous rendrons en Ardèche, en Franche-Comté et à nouveau en Bretagne pour y passer l'arrière-saison. En même temps, il sera question du Festival Lumière qui aura lieu à Lyon avec Gérard Depardieu, du 3 au 9 octobre. Nos actus seront réactualisées au rythme habituel tout l'été. Bonnes vacances!

mardi 12 juillet 2011

AU PAYS DES CHORÉGIES



La cave et les vignes de Rasteau ont la pêche! Et plus encore depuis que le Conseil Supérieur de l'Oenotourisme, présidé par Paul Dubrule, co-fondateur du groupe Accor, lui a décerné le "Coup de Coeur" de son prix national fin juin à Paris. Ce qui apparaît aujourd'hui comme une évidence pour ce caveau flambant neuf qui ne ménage pas sa peine en restant ouvert tous les jours, toute l'année et en dynamisant en permanence tous les acteurs du tourisme de la région.

Hôtels, restaurants, producteurs locaux dont la grande spécialité consiste, entre autres, dans la production de l'huile d'olive et la récolte des truffes noires en hiver.

Ce formidable dynamisme trouve naturellement son apothéose chaque année avec les Chorégies d'Orange, le plus ancien festival français (il date de 1869...) qui durent jusqu'au 2 août et attirent une clientèle cultivée et raffinée, même si elle n'hésite pas à s'installer plus de 3 heures sur les gradins de pierre du Théâtre Antique d'Orange, un des plus beaux monuments français de l'époque romaine remarquablement conservé. Cette année, après Aïda, mis en scène par Charles Roubaud qui ne compte plus le nombre de fois où il a visité l'oeuvre du génial Verdi, ce sera Rigoletto. Les amateurs d'Opéra passent tranquillement 3 semaines dans la région. Ils ont leurs adresses. On les a aussi!

Rien à voir cet été avec la mise en scène du Stade de France et ses 500 artistes d'octobre 2010, pourtant signée du même Charles Roubaud, confronté cette fois, non plus à un terrain de foot, mais au "mur " d'Orange. C'est ainsi que l'on baptise le fameux (et fabuleux) mur acoustique de 103m de long, 37 de haut et d'une épaisseur de 1,80m. La scène de 65 mètres de long se contente d'être exploitée aux deux tiers et, le soir de la première, le mistral a eu le bon goût de ne pas s'engouffrer sous le toit de la scène. Pour être parfaitement bien installés, les spectateurs habitués ont pu se contenter du coussin qu'ils transportent partout avec eux.

En dehors des représentations, ils en profiteront pour découvrir aussi l'exposition Un siècle de spectacles organisée jusqu'au 27 février 2012 pour célébrer les 40 ans des Chorégies.

Séjourner dans la région implique donc une petit tour à la fameuse Cave de Rasteau plantée dans ses champs de vigne, face aux dentelles de Montmirail, avec, ça et là, des vestiges de l'époque romaine comme à Camaret et évidemment Vaison la Romaine. Animations à longueur d'années organisées par Corine Aujogues en étroite relation avec Martine Boulard, responsable de la cave. Balades guidées, journées à thème, ateliers Traditions de Provence qui racontent la figue, l'amande, le boutis et les santons à tour de rôle. La Nuit du Vin, le 14 août n'est qu'un des points d'orgue des animations qui se déroulent à jet continu.

La gamme des vins proposée à la cave de Rasteau (qui produit à elle toute seule la moitié de l'appellation) est très réduite, ce qui ne fait qu'inciter à en faire le tour. C'est ainsi que ces beaux vins issus essentiellement de grenach , un cépage qui mûrit bien et dont on tempère l'alcool en lui ajoutant de la syrah et du mourvèdre sont encore baptisés "Côtes du Rhône Villages " si on choisit le millésime 2007 antérieur au décret d'appellation qui date de 2009 pour les rouges secs. Décision qui n'aura étonné personne tant elle s'imposait. Il est recommandé de les boire plutôt frais. Autour de 14 - 15°.

Au Pré du Moulin la table de Pascal Alonso, qui avant de s'installer à Sérignan-du-Comtat et d'y obtenir une étoile Michelin, a fait la réputation des cuisines du Château de Rochegude dans la Drôme et d'autres maisons prestigieuses, on marie les vins du caveau avec des plats succulents. Cet homme là fait de la vraie cuisine, odorante, fine, aux saveurs nettes et harmonieuses.

Rien à voir avec la cuisine d'assemblage et les cartes intellectuelles de la cuisine de concours. Avec la cassolette d'encornets en cocotte à la provençale, Damien, le maître d'hôtel sommelier sert un Côtes du Rhône Les Viguiers 2010, le seul vin blanc de la Cave de Rasteau, un vin blanc de pays issu de grenache blanc, de clairette et bourboulenc et dont la consommation reste locale.

La cuvée Prestige 2007 en rouge, se marie avec les langoustines rôties, duxelle de champignons de Paris et pied de porc et, avec le mitonné de pigeonneau de Monsieur Durand impeccablement tendre et rosé, les girolles, artichauts sautés à cru et pommes cocotte, ce sont les tanins fondus et épicés, des vieilles vignes du Rasteau "Hauts du Village " 2006, un assemblage à parts égales de grenache, syrah et mourvèdre. Et pour mettre le Rasteau d'origine, le vin doux naturel comme on le connaît de réputation, avec un baba flambé au rhum et aux abricots, c'est un rouge Signature 2007 à la couleur intense et aux arômes de moka que Damien a choisi.

Sur la terrasse ou dans la salle qui était autrefois le préau de l'école, les clients se laissent gâter par l'enthousiasme et la générosité d'une équipe de très jeunes gens emmenée aussi par Romain, l'autre maître d'hôtel, très soucieux de bien faire. Même la chatte Clochette, une rouquine culottée qui n'hésite pas à réclamer sans gêner, s'épanouit dans cette maison du bonheur. Dont les propriétaires, Pascal et Caroline (elle aussi en cuisine) vont refaire une à une les chambres à l'automne pour conquérir encore une autre dimension quand viendra la saison de la truffe.