lundi 24 septembre 2012

LES CASOTS FAUVES DU VIGNOBLE CATALAN


Chaque année depuis quelques unes, la maison Cazes, dans le cadre de l'association Notre Dame des Anges, invite des "fous de couleur" à restaurer les casots, ces petites cabanes plantées au milieu des vignes. Une idée lumineuse!

Le 8 septembre dernier, un très sérieux jury (dont nous étions…) a sacré "Enologos" champion du plus joli casot restauré dans les vignes de Collioure, Port Vendres, Banyuls et Cerbère. Cette joyeuse bande avait récupéré le matériel le matin même en vue de redonner une apparence un peu plus avenante à ces petites maisons de vignerons que l'on appelle "cadoles" dans les autres vignobles et qui sont souvent laissées à l'abandon. Le résultat, c'est qu'ils se retrouvent couverts de tags et en état de décrépitude avancée.

Ce sont ceux-là que l'association Notre Dame des Anges (du nom de l'église de Collioure) souhaite restaurer. Les autres, qui ont été achetés par des habitants du coin pour servir de "grillodrome" les dimanches en famille, étant à peu près bien entretenus.

Des pastels soutenus

Le pays catalan qui ne manque jamais une occasion de se cramponner à ses racines, propose aux artistes d'un jour de réhabiliter les casots (on prononce le "t" dans le Midi, écoutez ici!) aux couleurs des peintres fauvistes comme Matisse et Derain qui ont laissé des traces à Collioure et ont acquis une renommée mondiale. Au point que, le musée d'Art Moderne de Collioure expose essentiellement des reproductions sous verre, car les originaux se trouvent dans les grands musées du monde.

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C'est pourquoi la petite ville catalane (où nous retournerons au printemps pour suivre notamment le Chemin des Fauvistes qui dévoile 20 reproductions, installées là où les deux grands maîtres fauves ont peint les originaux en 1905…) loue des pas de portes bon marché aux artistes qui le souhaitent et les encouragent à "faire du Collioure". Nos peintres de casots sont donc bien dans la ligne.

C'est aussi l'occasion de découvrir cette ville chère à Charles Trénet à qui elle a inspiré La Jolie Sardane (écoutez ici!) qu'il est conseillé de fredonner dans sa tête pour se mettre dans l'ambiance en allant de vignes en caves.

Halte au Clos de Paulilles à Port Vendres. On y est au cœur du vignoble concerné qui espère bien un classement prochain au Patrimoine de l'Unesco et tout proche d'une petite crique dissimulée le long de laquelle pour paraphraser Trenet, toujours lui, la mer vient danser.

La vigne bien dans sa terre

La Maison Cazes, fondée en 1895 et son directeur Lionel Lavail ont pris les choses en main et il semble que tout le monde suit très bien. Au domaine, on pratique la biodynamie. C'est à dire "un nouveau mode de culture qui travaille sur le bien être de la plante, sur son épanouissement, permettant ainsi la véritable expression du cépage dans son sol". Et Emmanuel Cazes, le petit fils du fondateur d'expliquer "ce n'est pas bien difficile de faire bien".

Il fait presque toujours beau dans cette région aux portes de l'Espagne (catalane s'entend), mais il faut savoir que c'est au prix de vents forts dont la vigne profite aussi. La Tramontane qui dévale des sommets des Pyrénées et le Marin qui vient du large et enveloppe le sommet du Canigou de brume en matinée.

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La Maison Cazes qui a la fibre bio, mais sans verser dans l'intégrisme, a ouvert un restaurant dans le domaine près de la boutique de vente de vins. Confié au chef Sébastien Colombier, il s'appelle "La Table d'Aimé", prénom du fils du fondateur de la dynastie Cazes et en même temps celui du grand père du cuisinier.

En été, c'est l'adresse du déjeuner du dimanche des gens de la région et la liste des producteurs inscrite sur l'ardoise à l'entrée rassure sur la qualité des produits. Les poissons frais viennent de la Côte Catalane à Port Vendres, le pain à l'ancienne, cuit au feu de bois, du Pétrin d'Ancel à Rivesaltes et la côte de bœuf directement de chez un éleveur des Pyrénées.

On déguste toutes ces bonnes choses avec les vins de la maison. Comme le Canon du Maréchal (Joffre, né à Rivesaltes le 12 janvier 1852) en rouge, rosé et blanc, d'un excellent rapport qualité prix et les fameux Vins Doux Naturels (VDN pour les spécialistes) dont les noms chantent à l'oreille, même de ceux qui n'y connaissent rien ou presque.

Le Rivesaltes ambré et le Muscat de Rivesaltes. Lionel Lavail, lui-même petit fils de vigneron, raconte que sa grand-mère a toujours congelé des raisins muscat au moment des vendanges et qu'elle s'en sert comme glaçons dans le Muscat de Noël. Un fois dégelés, ne reste plus qu'à croquer les grains de raisin en dégustant le vin. En voilà une idée géniale!

mercredi 5 septembre 2012

DE CARTHAGE A ZAGHOUAN

Autant se faire à l'idée que rien ne peut plus jamais être comme avant. La saison d'été en Tunisie a accueilli pas mal de touristes, mais pas autant de Français qu'espéré. De l'autre côté de la Méditerranée, ça continue à tanguer. Mais il y a beaucoup à découvrir si on ne veut pas se contenter de se retrouver enfermé dans les "Resort" de Djerba bien trop à l'abri des réalités.

Il s'agit de rencontrer une population qui se surveille du coin de l'œil et qui s'affronte. Jeunesse moderne, rompue à l'exercice du tweet, friande d'art contemporain et de manifestations culturelles qui n'a pas peur de bousculer les traditions. Avec en face les salafistes qui veulent énergiquement rhabiller les touristes et les autres sous prétexte que l'on est là "en terre d'islam". Ce qui a de quoi épouvanter les voyageuses en robe légère qui savent parfaitement enfiler un pull pour entrer dans une mosquée, mais certainement pas pour se balader sur une jetée au soleil couchant dans la douceur du soir.

Les jeunes Tunisiennes éprises de liberté le ressentent tout autant et s'inquiètent. Elles ont raison de craindre de devenir un "complément" des hommes comme il en serait question dans la future constitution . Mais c'est oublier que même en France, il y a des illuminés qui s'en prennent aux restaurants ouverts au déjeuner pendant le Ramadan et qui obligent des filles en banlieue à porter des joggings informes à défaut de voile. Il ne s'agirait que d'épiphénomènes? Certes, certes. Mais ne soyons pas trop naïfs quand même!

Les leçons de Carthage
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Pour tenter de se reconstruire dans l'harmonie, la Tunisie peut parfaitement jeter un œil sur son passé pour se rendre compte de ce qu'a pu être sa grandeur et quelles sont ses ressources: De l'eau, du soleil, un climat très clément. De quoi cultiver, construire, accueillir, donner à visiter, retrouver la prospérité.

Du temps de la fondation de Carthage par la grande Didon en 814 avant Jésus-Christ, elle fut le grenier à blé de Rome, la deuxième ville d'Occident et la plus grande puissance maritime surveillant un empire qui s'étendait sur tout le bassin occidental de la Méditerranée. Du temps d'Hannibal (IIème siècle avant J.C.) - qui fait l'admiration des guides érudits du site - , il reste, sur les flancs de la colline de Byrsa, les vestiges de tout un quartier d'habitation. Les statues et autres objets trouvés dans les nécropoles constituent l'exceptionnelle richesse des musées et notamment du musée national de Carthage

Loin des grandes unités hôtelières de plusieurs centaines de chambre, on découvre la Villa Didon dont les larges baies ouvrent grand sur la mer. Dans ce 5 étoiles qui fait partie de ce que l'on appelle les "boutiques hôtels" , on profite d'une décoration moderne et raffinée sans aucune concession à quelque folklore que ce soit. On imagine alors le tourisme tunisien en devenir.

Un aqueduc de 132 kilomètres de long
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Tout le long de la route qui va de Tunis au parc du Temple des Eaux de Zaghouan , on peut voir les vestiges de cet ouvrage d'art impressionnant construit par les Romains au 1er siècle avant J.C. C'est un des buts de promenade des Tunisois qui poussent aussi parfois jusqu'au Capitole d'Uthina (Oudhna) dédié à Jupiter, Junon et Minerve construit sur les hauteurs ce qui permet de découvrir toute la plaine presque jusqu'à la mer.

C'est le plus grand capitole d'Afrique. Là aussi d'énormes citernes, les vestiges de demeures patriciennes, des thermes et un amphithéâtre d'une capacité de 10000 personnes dans lequel on nous a raconté que l'on avait un beau jour amené le lion du zoo de Tunis pour faire de la figuration (avec comme ressource de le dupliquer numériquement sous différents angles pour répondre aux exigences de la mise en scène). Repu et dérangé à l'heure de la sieste, l'animal avait du mal à ouvrir l'œil.

Les écoliers viennent en bus avec leurs professeurs pour apprendre l'histoire et c'est une occasion de croiser les gens d'ici. Ceux-là même que le couple Zeribi emploie dans sa maison d'hôtes de Dar Zaghouan où se retrouvent les Tunisois aisés (ou même moins) après une heure de route pour le déjeuner du dimanche. Les propriétaires de cette maison d'hôtes soigneusement écolo ont procédé comme bien des gens chez nous qui décident un beau jour de plaquer des emplois de bureau (même à haut niveau) pour se rapprocher d'une vie qu'ils veulent plus accomplie.

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Les femmes du village voisin fabriquent du fromage comme elles l'ont toujours fait. Une belle berbère costumée prépare le pain en collant la pâte sur les parois intérieures du four dans lesquelles somnolent les braises et on déguste à table les pigeons de la propriété, la viande des autruches de l'élevage, et les légumes du jardin servent à confectionner le couscous. L'huile d'olive est pressée ici et il est des clients qui marcheraient jusque là sur les mains pour un verre de la limonade artisanale maison.

Quelques chambres et suites autour de la piscine et on passe là un séjour dans un lieu qui vaut tous les hôtels de luxe des chaînes internationales. On est aussi au plus près de l'évolution du pays, de ses habitants et de leurs perspectives de développement qui sont grandes.
On apprend à les connaître en bavardant avec eux. On s'étonne et ils s'étonnent en se racontant. Ainsi Lazare, notre chauffeur habitué aux oueds qui vit pas si loin du désert, en apprenant qu'à Lyon se rejoignent le Rhône et la Saône, nous demande : "Et ils coulent toute l'année?"