mardi 31 juillet 2012

LES PÉPITES DU PÉRIGORD NOIR


Dordogne river by Jos Dielis / Flickr - Licence Creative Common (by)
Le pays de l'homme, accessoirement celui de la truffe et du foie gras (et inversement…) est aussi une terre de trésors. Quand se termine en mars, la saison du diamant noir, vient celui, des châteaux, des jardins et de toute une profusion de sites pour la plupart inscrits au Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'Unesco.

Des hauteurs de la forteresse de Beynac, Guy Coy détaille tous les châteaux qui émaillent les bords de la Dordogne. Chacun gardait jalousement son territoire et surveillait les autres. Il faut dire que le Périgord est une terre d'histoire et de conquêtes. Les hobereaux des lieux, comme le sont les barons de ce château féodal du XIIIème siècle qui écrase de sa masse le village construit tout autour et admirablement préservé, se méfiaient des autres baronnies du Périgord et des envahisseurs venus des 4 coins du royaume et au-delà. Conservé par des propriétaires privés, il se visite pendant toute la saison.

C'est là que Besson a tourné des scènes de sa Jeanne d'Arc et, quand on se trouve dans la grande salle où les épées sont encore fichées dans les encoches qui leur était réservées dans la table à manger, on peut voir la rampe d'accès qu'a empruntée à cheval Sophie Marceau en jouant "La Fille de d'Artagnan".

Des ambassadeurs infatigables

Notre guide n'en est pas un, pourtant, il connaît la région comme sa poche et en fait profiter tous les hôtes qui résident dans son Village de Gîtes "Combas" qu'il a construit lui-même, deux pas du village de Saint-Crépin-Carlucet.

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Agriculteur d'origine et fils de paysans depuis des générations, il a été conduit à transformer totalement son activité pour se tourner vers le tourisme, devenu désormais la toute première ressource de la région. Il a ensuite remonté les manches et construits des gîtes dans le style du pays pour des clients fidèles qui s'y pressent toute l'année.

Séjourner chez Guy et ses semblables regroupés dans l'association des Villages de Gîtes, c'est passer ses vacances en profitant des lumières et de la disponibilité infinie des propriétaires. Tous adhèrent à une charte qui leur impose un certain nombre d'exigences comme celle de comprendre le nombre d'hébergements entre 5 et 30, de disposer d'un accueil (on ne récupère pas les clés à la mairie ou chez la voisine...) et surtout d'une piscine ou d'un plan d'eau. Partant de là, les propriétaires, tous indépendants, s'investissent auprès de leurs clients, mais chacun à sa sauce.

Les uns (presque tous d'ailleurs) les accompagnent en randonnée, leur font descendre la Vézère ou la Dordogne en canoë, organisent une soirée d'accueil pour leur permettre de faire connaissance, préparent des repas ou prévoient des livraisons par un traiteur. C'est ainsi qu'à la Peyrière, on se retrouve dans une vraie ferme dont on a transformé toute une prairie en Swin Golf avec toute la famille Bartou autour de son patriarche.

Aux Collines d'Eyvigues, la propriétaire, autrefois enseignante cultive un jardin de plantes aromatiques dans lequel les clients vont se servir pour agrémenter leurs plats et son époux, ancien coiffeur organise lui aussi les réjouissances. Dominique au Hameau du Sentier des Sources exprime son goût pour la déco dans les exquises maisons de vieilles pierres qui composent son domaine et Jean-Paul Brégégère à la Brousse Basse, ancien restaurateur et trufficulteur est choisi par les gourmands qui veulent profiter de la gastronomie locale.

Du confit et des hommes

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Guy, qui s'épanouit dans son rôle de guide intarissable, pose la question "Quand on vous dit Périgord, vous pensez à quoi?" Les réponses fusent "la bonne cuisine, la truffe, le foie gras!" Certes, certes, mais et la Préhistoire alors? Lascaux II qui ne suffira bientôt plus à absorber tous les touristes et pour laquelle le projet Lascaux III est en route; la falaise, en surplomb de la Vézère, de la Roque Saint-Christophe qui fait un kilomètre de long et dont les cavités ont été occupées pendant la Préhistoire et l'époque médiévale; les Grands Sites du Périgord sous la bannière desquels se sont regroupés 14 d'entre eux et qui connaissent depuis le début de l'année une augmentation de fréquentation de 30%.

Une saison d'été n'y suffit jamais. C'est aussi la raison pour laquelle il ne faut pas hésiter à visiter le Périgord hors saison. L'automne et le printemps restant fort agréables au niveau du climat. Nos amis britanniques qui fuient cette année l'afflux des Jeux Olympiques se retrouvent avec conviction dans celui des sites touristiques.
Pour découvrir la Roque Gageac, un village construit dans la roche à flanc de montagne et descendre la rivière en gabares, nul besoin d'être au mois d'août. Ni non plus pour explorer Castelnaud, le château le plus visité du midi de la France avec son musée de la Guerre au Moyen-Age et ses animations médiévales.

Pas davantage pour admirer la Maison Forte de Reignac, l'unique château-falaise intact de France et ses nombreuses salles entièrement meublées. Avec une mention spéciale pour son musée de la torture du Moyen-Age à la Révolution (âmes sensibles s'abstenir…) Cette exposition itinérante a d'ailleurs été présentée cet hiver au Manoir de Gisson qui donne à voir la vie bourgeoise sarladaise au XVIIème siècle dans la cité médiévale.

Sarlat, capitale de la truffe et du foie gras

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Sarlat vaut le détour à elle toute seule. Parce qu'elle a traversé les siècles dans l'opulence, qu'elle a été la première, alors qu'elle menaçait ruine, à bénéficier de la loi Malraux (4 août 1962) permettant la restauration des centres historiques. Elle a été sauvée juste avant le Vieux Lyon et la ville d'Uzès. En plus de ses somptueuses maisons anciennes (dont la maison natale de la Boétie) et ses tours de noblesse, elle continue à évoluer, notamment sous l'influence de l'architecte sarladais de renommée mondiale Jean Nouvel.

Il a fait construire un ascenseur panoramique dans l'église Sainte Marie permettant de découvrir à 360° les toits de la ville et ses monuments: l'église Saint Sacerdos, la lanterne des morts, le Palais des Evêques, l'hôtel Plamon...  Sarlat vit à plein régime (!) en toute saison. Il ne faut pas manquer son marché aux truffes tout l'hiver et la Fête de la Truffe et Académie culinaire du Foie Gras et de la Truffe à la mi-janvier.

C'est donc une région dont la richesse historique, patrimoniale et gastronomique donne le vertige que Guy et ses semblables font découvrir à des clients fidèles année après année. Avec les autoroutes comme l'A20 et l'A89 au départ de toutes les grandes villes Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse et même Madrid (pas plus loin que Paris), on y vient assez facilement même pour de courts séjours plusieurs fois dans l'année. Et on visite, on découvre, on profite avec délectation. Il est même, en plus des Anglais qui sont légion, des Américains qui s'y sont installés pour de bon.

A lire: Le Petit Futé en Dordogne.

jeudi 12 juillet 2012

UNE AUTRE PAIRE DE MANCHES…

Vue sur la campagne langroise depuis le toit de la Cathédrale Saint Mammès de Langres.
L'expression vient du Moyen Age et, comme beaucoup d'autres, on l'utilise encore énormément de nos jours tout en sachant rarement d'où elles viennent. C'est Catherine Boussard qui les raconte en commentant les trésors de sa ville médiévale de Châteauvillain exactement située à l'époque aux frontières du royaume de France et des duchés de Lorraine et de Bourgogne. Forcément, il y avait pas mal d'agitation. Ce qui a laissé des traces…

Pendant que les comédiens préparent à Langres leur spectacle pour un Estival des Hallebardiers qui commence les 27 et 28 juillet et dure jusqu'au 25 août à travers les rues de la cité fortifiée, on part à la rencontre de l'Histoire à la frontière de ce qui était autrefois le royaume de France, le duché de Bourgogne et celui de Lorraine. A la découverte de la ville de Langres et ses impressionnantes fortifications, des jardins du château de Joinville et de l'étonnante cité de Châteauvillain…

J'ai commencé à évoquer la riche histoire de la Haute Marne et ses très nombreux et illustres personnages à la fin du printemps. De Gaulle, Voltaire, Diderot et beaucoup d'autres ne faisaient qu'investir un territoire qu'avaient occupé avec détermination les ducs de Guise et les sires de Joinville, les ducs de Vitry et de Penthièvre.

On trouve trace de leur présence dès le 12ème siècle, mais encore bien plus tôt à Andelot, puisque le traité  signé en 587 entre Brunehilde et les rois francs est peut-être le plus ancien document politique conservé de l'Histoire de France.

Le fief des ducs de Guise

Le château de Joinville et son Grand Jardin a été construit par Claude de Lorraine, le duc de Guise, entre 1533 et 1546. Il ne s'agissait, en fait, que d'une construction de plaisance dominée par l'ancien château érigé sur un éperon au XIème siècle et propriété de la famille. Il n'en reste rien du tout. Il a été détruit en 1791. Epoque difficile pour les demeures seigneuriales…

Soigneusement restauré, le "château d'Enbas" accueille des expositions et vaut surtout pour son parc romantique dont Hubert Puzenat, grand spécialiste et expert reconnu de l'art topiaire entretient les chefs d'œuvre au lieu de couler une retraite insupportablement inactive. Les essences rares sont nombreuses. Le gingko biloba (une espèce vieille de 160 millions d'années) côtoie le séquoia géant de Californie, le cyprès chauve qui vient de Louisiane et le liquidambar et sa sève d'ambre liquide, précieuse pharmacopée.

Entre les sculptures contemporaines qui s'intègrent parfaitement bien à la végétation, un cygne noir monte la garde dans les étangs et se fâche volontiers contre les promeneurs. Lesquels ont le droit, au moment des récoltes, de se servir dans le jardin potager.

La petite ville de Châteauvillain a aussi sa célébrité contemporaine, (Simone de Beauvoir y passait ses vacances chez sa grand mère), mais elle est au moins aussi impressionnante que Langres et ses remparts qui espère son classement au patrimoine de l'Unesco. Non pas au titre du Patrimoine Vauban, mais à celui de plus grande enceinte fortifiée d'Europe (3,5 km de remparts).

Car la tour de Navarre, malgré ses 28m de diamètre et ses murs de 13 mètres d'épaisseur, non plus que les tours d'artillerie, les chemins de ronde et les 7 portes de la ville ornées de niches religieuses, ses maisons anciennes et ses fontaines ne sont pas l'œuvre de Vauban. Le génie militaire s'était contenté de venir les apprécier en 1698.

Pour découvrir Châteauvillain, il faut absolument rencontrer les membres passionnés de l'association "La Clef des Champs"  qui déploient une énergie stupéfiante pour entretenir et faire découvrir la ville.

A la suite de Catherine Boussard, on apprend qu'au Moyen Age, la citadelle et son château était protégés par une enceinte de 2,6km et comptait 60 tours. Des trois portes de la ville, il ne reste qu'une seule, la porte Madame qui constitue l'entrée du Parc aux Daims, un espace de 272 ha qui devrait accueillir en 2013 la station forestière touristique Animal' Explora.

C'est en considérant la maquette présentée dans la tour de l'Auditoire que l'on mesure l'espace occupé par le château dont il ne reste plus grand chose aujourd'hui. N'allez pas imaginer qu'il a été détruit par la Révolution. L'ignorance est aussi très forte pour faire des dégâts. Il a été vendu comme carrière de pierres et traversé de part en part par la nouvelle rue principale que l'on voulait plus large. En 1804, l'église St Berchaire, le château des Broyes, la salle d'arme, celle du pilier et la porte de 2,60 m y sont passés!
Si toutes ces merveilles avaient tenu jusqu'à l'époque de Malraux, elles auraient peut-être été sauvées comme la vieille ville de Sarlat, Uzès et le Vieux Lyon.

Expressions médiévales

N'empêche, il reste beaucoup à voir et à entendre à Châteauvillain. Dans la Tour de l'Auditoire, on jugeait les prévenus et même les animaux comme les porcs et les mulots (!) qui risquaient jusqu'à l'excommunication.

Catherine Boussard captive son auditoire avec les expressions du Moyen Age qui sont arrivées jusqu'à nous.
On consignait les jugements sur un parchemin que l'on entourait autour d'un rouleau appelé "rôle". Et on jugeait ainsi les affaires à "tour de rôle". Elles étaient ensuite rangées dans un sac, ce qui fait que l'on pouvait dire que "l'affaire était dans le sac".

Pendant les tournois, les dames, qui portaient des robes lourdes et difficiles à nettoyer avec des manches amovibles, les détachaient pour les lancer à leur chevalier. Première manche, seconde manche et si les combattants n'étaient pas départagés, c'était, vous l'avez compris "une autre paire de manches".

On découvre aussi le jardin médiéval dont les productions servent à organiser des festins médiévaux; le lavoir à parquet flottant qui permettait de régler la hauteur pour travailler. Il est unique en France. Et aussi l'impressionnant colombier où vivaient jusqu'à 12.000 pigeons, lui aussi un des plus grands de France (Diderot le cite dans son Encyclopédie). Ils étaient élevés pour leur fiente qui servait d'engrais aux cultures et sa taille témoigne parfaitement de l'opulence de la ville.

Les seigneurs de Châteauvillain sont illustres dans l'histoire. Après Jean 1er arrière-petit-fils de Louis VII et pour ne citer qu'eux, il y a eu Nicolas de l'Hôpital, duc de Vitry capitaine des Gardes de Louis XIII et le Duc de Penthièvre, petit-fils de Louis XIV et de Madame de Montespan, grand seigneur - parce que son père avait été légitimé - , à la fois très riche et très généreux, il était surnommé le Prince des Pauvres. Avec ses grandes familles et toute l'histoire de France qui bruisse dans ses bourgs et ses villages, la Haute Marne a beaucoup à raconter.

Pour y séjourner, les chambres d'hôtes, gîtes et toutes sortes d'hébergements se sont multipliés. On peut aussi largement profiter de la nature, des forêts à pied et à vélo et des spécialités locales comme le fromage de Langres et les écrevisses de Thonnance-lès-Joinville dont c'est la pleine saison.

A l'automne, viendra le temps de la chasse (le Salon des Plaisirs de la Chasse et de la Nature se tient justement à Châteauvillain les 25 et 26 août…) dans une forêt domaniale de 10.000 ha qui sera bientôt, avec celle de la Côte d'Or, Parc Naturel National. Mais aussi celui des truffes, des vins, des alcools de fruits et de tout ce que produit cette terre grasse et généreuse. Mais là encore, c'est une autre paire de manches!