mardi 16 juin 2009

SUR LA ROUTE DU MIDI



Je ne vais pas vous recommander de vous échapper des bouchons de l'A7 en été pour vous envoyer dans des restaurants, certes élégants et dont la cuisine est exquise et inventive, mais dans lesquels les menus et la carte sont littéralement hors de prix.
Pourtant quel bonheur de faire une pause déjeuner dans le jardin de Madame Point à Vienne et de déguster la cuisine de La Pyramide, savamment élaborée par Patrick Henriroux.

La raviole de petits pois sans rivale et les cuisses de grenouilles qui viennent du pays des Mille Etangs en Haute Saône, là où le chef a ses origines, est une merveille. De même que le porcelet 100% bio, juteux et savoureux avec sa polenta aux truffes blanches et le service espiègle et impeccable de Christian valent le détour. Sinon que c'est la crise et qu'elle fouette le sang de plus d'un. Même dans les Relais Châteaux dans lesquels le chef de la Pyramide exerce de hautes responsabilités, alors qu'il en a longtemps été écarté pour d'assez obscures raisons.

Pour calmer le jeu, il aurait pu ouvrir un bistrot ou une brasserie un peu plus loin dans Vienne. On procédait ainsi il y a quelques années et ça réussit fort bien à Bocuse. Mais il semble que les clients, du moins en dehors des villes, attendent autre chose. Alors, le chef Henriroux a réaménagé l'espace un peu inutile de son grand bar, et installé un restaurant à tarifs amicaux baptisé le Ph3. On y trouve des plats astucieux dont les tarifs tournent autour de 15EUR et les desserts autour de 7EUR et ça change tout le temps. 3 entrées, 3 plats, 3 desserts avec, par exemple, une plancha de crevettes au sel de curry (je les ai vues les crevettes, elles étaient énormes et toutes fraîches !) ; un chili de tête de veau avec haricots au piment doux, un cheese cake à l'agrume et cannelle. Et on peut s'installer dehors, de l'autre côté du jardin.

Le résultat, c'est qu'on n'hésite pas à y faire une petite halte vraiment réparatrice sur la route des vacances, que ceux que l'on appelle les "jeunes actifs" s'y attablent le samedi soir et y invitent leurs parents, que les clients de l'hôtel prolongent leur séjour, le temps d'aller visiter un musée, voir une expo, un festival, shopper une journée à Lyon et ne se sentent ainsi pas obligés d'accumuler les repas gastronomiques.

Mon autre adresse sur la route du soleil est à une poignée de kilomètres de la sortie Chanas. L'hôtel-restaurant Schaeffer était connu des locaux depuis des lustres. Mais, entre les mains de Bernard Mathé, ancien de Léon de Lyon, il s'est installé dans la cour des grands. Le contenu de l'assiette n'a rien à envier aux plus prestigieux et aux plus talentueux mais, comme le décor est plus modeste quoique confortable, Joël et Bernard peuvent proposer un menu en semaine à partir de 23EUR et d'un rapport qualité-prix impressionnant. Ce n'est jamais qu'un exemple, mais on pouvait, à la mi-juin, déguster 4 amuse-bouche en tapas, un râble de lapereau en cocotte à la sauge, une assiette de fromages et une pâtisserie, sachant que le chef est un champion des desserts.

Cet amoureux des côtes du Rhône du Nord, chasse les propriétaires à longueur d'année, a planté ses propres vignes et le chasseur qu'il est par ailleurs, propose, en saison des plats de gibier remarquablement préparés et un menu truffes à se lécher les doigts. Savoir aussi que Schaeffer fait partie des Logis et qu'il propose des chambres assez petites mais très confortables et climatisées.

Un peu plus loin, sortie Tain l'Hermitage, c'est chez Chabran qu'il faut aller. Sur le 45ème parallèle, pile entre le Pôle Nord et l'Equateur. Il fut un temps où le restaurant, qui avait été le bistrot de ses grands-parents, était un peu pénalisé par la circulation de la nationale juste devant. Il a réussi désormais à faire l'acquisition du terrain sur l'arrière et, si la maison borde toujours la route (plus facile à trouver...), les clients et le service se sont transportés vers l'arrière dans un amour de jardin. Pour y déguster certes, la cuisine savante et réalisée à base de produits exceptionnels dont son exigence l'a toujours fait le défenseur.

Chez Chabran, c'est le règne des petits pois, des fraises et des asperges ; des aubergines, échalotes, tomates, courgettes et poivrons cultivés dans les jardins alentour, des abricots "cul d'ange" comme on les appelle là-bas et des pêches, des melons, des pigeons et des pintades de la Drôme. Mais ce chef brillant a eu aussi l'idée de proposer un menu à 35EUR avec, par exemple, une terrine de pintade aux olives et foie gras servie avec un chou croquant, un dos de cabillaud cuit à basse température et crème légère aux poissons de roche. Il prépare le saumon de la même manière et je l'ai vu servir une trentaine de personnes simultanément avec des portions toutes à l'exacte cuisson.

Les élus du coin se félicitent d'avoir dans leur circonscription un chef aussi avisé et talentueux et l'un d'eux nous a même confié qu'avec Pic, les Cèdres et quelques autres récemment étoilés, il avait la région la plus étoilée de France. Un autre a regretté que Chabran ne soit gratifié que d'une étoile Michelin. On peut dire, en effet et sans risque de se tromper, qu'il en mériterait 2. Ce n'est pas difficile et les différences de notation entre très grandes tables relèvent quelque fois de critères un peu flous. Il propose donc que toutes les groupies de Chabran écrivent au Guide Rouge.

Pourquoi pas ? Mais est-ce un service à lui rendre ? Pas sûr... Un inspecteur ne mettrait peut-être pas 2 étoiles au fameux menu à 35EUR. Peut-être pas assez fastueux, trop simple, des produits peut-être un peu moins nobles, même si remarquablement choisis. Alors, faut-il que Chabran prive ses clients de ce fameux et amical menu ? Sûrement pas et la période en matière d'économie exige bien davantage que l'on s'adapte plutôt que l'on n'adopte les contraintes des guides. Les étoiles sont une belle récompense. C'est gratifiant et ça fait du bien. Mais ça ne se mange pas en salade !

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