lundi 31 mai 2010

MARIAELENA MET LE FEU



Le printemps est très catalan au musée des Tissus et des Arts Décoratifs de Lyon. Austère et flamboyant avec l'exposition Fastes de la Couronne d'Aragon jusqu'au 19 septembre et stupéfiant de sensualité et d'allégresse avec les 150 costumes immobiles de Mariaelena Roqué à découvrir dans Sous le Signe d'Eros - Mariaelena Roqué exalte Carles Santos jusqu'au 5 septembre au milieu des décors du musée des Arts Décoratifs. Etonnants, mais toujours cohérents.

Comme beaucoup d'entre nous, je ne prends pas, en matière d'art, tout pour argent comptant. Je n'ai jamais réussi à m'émouvoir devant une télé à l'écran cassé posée sur des couvertures pliées quand le musée d'Art Moderne de Lyon était encore à Perrache. Evidemment, une fois le message expliqué, l'adhésion est possible. Mais pour moi, pauvre ignorante, il se doit d'y avoir une dimension esthétique dans une oeuvre d'art. Et du sens de l'esthétique, la belle Mariaelena n'en manque pas. De talent non plus. D'humour aussi.

Cette ancienne danseuse, autrefois mannequin et pour autant pas si âgée que cela, pose admirablement son corps et raconte à travers ses costumes son amour de la beauté. C'est quand elle a croisé Carles Santos, pianiste classique, avant-gardiste et bourgeois catalan catholique dont elle est devenue la compagne qu'elle a commencé à créer les costumes des quelques 16 spectacles qu'ils ont monté ensemble.

Et parmi eux La Pantera Imperial qui sera donné le 28 juin dans le cadre des Nuits de Fourvière. Ceux qui l'ont vu en sont revenu enchantés. Mais pas dans le sens léger et superficiel du terme. Subjugués, époustouflés, ébahis, maintenus en apesanteur sous l'effet du coup de baguette magique des créateurs. Carles Santos a des comptes à régler avec Bach. D'où les monumentales statues du compositeur posées sur scène. Et avouez que ça vous a une certaine allure.

Alors, il s'installe au piano (il y est accroché 6 heures par jour depuis des dizaines d'années). Pendant que les artistes (ils sont à la fois comédiens, chanteurs, plasticiens, acrobates...) poussent l'instrument à toute vitesse, comme s'ils voulaient l'anéantir, Carles joue. Mariaelena le sublime. Les costumes sont complexes et magnifiques, on les effeuille et on les décompose. Rien n'est figé.

Elle aime par-dessus tout les très grosses dames. Les sopranos de 130kg qui sont autant de figures à l'image de celles de Botero. Elle coud les costumes à même le corps de l'artiste et c'est divin. A admirer ces étonnantes compositions, on rêve que l'artiste costumière nous invite dans son immense atelier des environs de Barcelone pour concevoir pour soi-même la robe de sa vie. Celle dans laquelle même les défauts sont beaux (et ce n'est pas une posture).

Mariaelena, vive et généreuse ne trouve rien d'inenvisageable. Cette Catalane, née à Tarragone et élevée au Vénézuela rit devant les malles qu'elle trimballe au gré des spectacles et des expos. Elle se souvient des très pointilleux douaniers des aéroports de Londres interloqués devant les mètres de soie, de velours, de dentelles à gâteaux, de corsets, baleines, crinolines en résine de tuyaux d'air conditionné et de têtes de taureaux. Comment expliquer de quoi il s'agit et montrer que ça n'explose pas... "C'est pour Carnaval" dit-elle avec son accent délicieux. Et ça passe. Que voulez-vous qu'ils fassent?

Mariaelena explose sur scène comme ses costumes immobiles réalisés dans les plus beaux tissus lyonnais, velours et soies choisis chez Walder, un monument de la soierie lyonnaise, mais qu'elle n'hésite pas à agrémenter de filets rouges en plastique. Ceux-là même dans lesquels on dispose les tomates avant de les mettre sur le marché. Et le résultat est fabuleux et insoupçonnable.

Un peu plus loin, il y a les bulles de verre sur le ventre des costumes avec une lumière rouge qui figure la vie, à la manière du Saint-Esprit dans les églises. Ces femmes enceintes racontent la maternité dans ce qu'elle a à la fois de phénoménal et d'abusif. Elle règle ainsi quelques comptes avec les relations fusionnelles de Carles Santos avec sa mère. Elle exprime, elle soulage. La vie de Mariaelena est sans doute loin d'être un long fleuve tranquille...

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