samedi 5 septembre 2009

CHÈRE COLETTE ...



Mon enfance, ma scolarité primaire dans la classe unique d'un petit village à la campagne, ont été bercées par Colette. L'instituteur ou la maîtresse, que l'on n'appelait pas encore professeur-e (euresse ?) des écoles, nous nourrissait de ses textes. Faisant abstraction bien sûr de la grande liberté de l'écrivain et de ses "Claudine".

La meilleure façon d'aborder Colette en passant sa vie et ses passions sous silence : ne même pas les évoquer pour ne voir que la plume. On rencontrait donc Colette sous la dictée. Et on l'emportait le soir avec nous après la classe, quand les jardins

commençaient à "donner" et que, comme plus d'un de mes camarades de classe, j'accompagnais mon grand-père en le suivant le long du sentier qui descendait à l'aplomb d'anciens remparts depuis lesquels on voyait au loin toute la campagne et la Bourgogne.

Il y avait un petit bois encombré de ronces que l'on mettait deux bonnes minutes (!) à traverser. A la sortie, les groseilles, les cassis et les grosses groseilles à maquereaux sur lesquelles se posaient les papillons rencontrés déjà la veille sous forme de chenille. L'impardonnable cognassier dont les fruits mûrs ressemblaient à des poires, mais qui étaient immangeables (ce n'est pas faute d'avoir essayé à de multiples reprises...). La belle surprise, c'est que ma grand-mère en tirait de la pâte de coing, savoureuse et aussi efficace, sinon plus et en tout cas meilleure, que le Coca Cola pour soigner les désordres intestinaux.

Il y avait les fleurs aussi. Les gueules de loup et les boules de neige, les grandes pivoines et les zinnias. Et bien sûr les chats qui profitaient de la chaleur des pierres chaudes. Colette aimait tant les bêtes qu'elle ne choisissait pas. Comme Richelieu, elle aimait les chats, mais elle adorait aussi Toby-chien. Et ils étaient sommés de s'entendre ou du moins de faire en sorte qu'aucune de leurs bagarres n'aient des conséquences fâcheuses !

J'ai adoré Colette, la Colette bourguignonne de Saint Sauveur en Puisaye, élevée entre les bras de Sido, sa mère, amoureuse de la nature, dont le maître mot et dont on dit qu'il fut le dernier que prononçât Colette à sa mort en 1954, était "Regarde ...". Tout un programme... L'autre préoccupation de Sido, c'était "où sont les enfants ? " quand se pointait l'heure du goûter et qu'il fallait s'extirper des meules de foin et des cabanes dans le jardin. On aurait adoré grandir chez elle !

Je me réjouis infiniment que la petite commune de Varetz (19 - Corrèze) ait eu l'idée d'ouvrir, en 2008, Les Jardins de Colette, un grand parc de cinq hectares, assorti du labyrinthe végétal de Bel- Gazou, surnom de Colette, transmis à sa fille, et qui a la forme d'un papillon. La Corrèze et le pays de Brive devaient bien ça à la grande Colette qui y a suivi son second mari, Henri de Jouvenel, au Château de Castel-Novel. Je m'y suis rendue de nombreuses fois et Colette y est partout. Dans le parc, les chambres, la salle à manger. Sophie Parveaux, qui a succédé à ses grands-parents et à ses parents, entretient, avec son mari en cuisine, le souvenir de Colette parmi les grands chênes et dans l'odeur des roses.

Les Jardins de Colette s'articulent en 6 espaces qui représentent chacun les régions de France où elle a vécu et qu'elle a aimées. Il y a les hortensias de Sido en Bourgogne où elle est née en 1873 dans le jardin du haut ; le potager dans le jardin du bas et "l'odeur du feuillage de la tomate" comme l'écrivait la gourmande qui aimait cuisiner la nature et avait dit, comme je l'ai d'ailleurs déjà écrit ici "Si j'avais un fils à marier, je lui dirais : méfie-toi de la jeune fille qui n'aime ni le vin, ni la truffe, ni le fromage, ni la musique."

Un espace est réservé aux sous-bois de la Franche-Comté, l'univers de "Claudine à l'école" et du Domaine des Monts-Boucons. Plus loin, ce sont les bruyères roses et violettes, les chardons de Bretagne et du manoir de Rozven, perchoir de rocher entre le ciel et l'eau , qui a abrité ses amours avec Missy et inspiré entre autres "Le Blé en Herbe". La Corrèze bien sûr avec ses grandes fougères, mais aussi l'actif et généreux soleil limousin qui pique (déjà) la joue et la nuque, chauffe la pêche tardive sous sa peluche de coton et la Provence avec la Treille Muscate et les grands plumages jaunes des mimosas , où la nature et le spectacle de la mer, près de Saint-Tropez, ont bien failli lui faire passer le goût d'écrire.

Et puis, il y a les jardins du Palais-Royal à Paris où elle a fini ses jours en respirant les roses mi-partie jaunes, mi-partie rouges (...) et en trouvant à la ville, une dimension naturelle qu'elle cultivait et continuait à affectionner en s'installant à sa place réservée au restaurant le Grand Véfour.

Pendant toute l'arrière-saison et jusqu'à la Toussaint, on peut profiter de l'automne aux Jardins de Colette. Particulièrement pendant les Journées du Patrimoine les 19 et 20 septembre pour jouer à se perdre dans le labyrinthe de Bel-Gazou et suivre les visites guidées. Je suis moins convaincue par les ateliers créatifs d'Halloween le 31 octobre, période autour de laquelle les enfants en vacances seront invités à creuser leur propre citrouille et à construire des monstres. Colette n'avait pas besoin de ce genre d'artifice pour laisser vagabonder son imagination...

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