J'ai une affection toute particulière pour Nicolas Le Bec - puisque c'est de lui qu'il s'agit - au motif, comme dirait l'autre, que je l'ai découvert moi-même du temps où j'étais responsable des régions à GaultMillau.
Il n'était pas rien à l'époque puisqu'il dirigeait déjà les cuisines des Fermes de Marie à Megève, alors même qu'il n'avait que 25 ans.
Ce breton, perdu dans les neiges de Haute Savoie, m'avait fait découvrir nombre de merveilles, mais je me souviens parfaitement de l'une d'entre elles : un côte de cochon, épaisse et juteuse, délicieusement caramélisée, impeccablement cuite. Les cuissons, comme les mariages, c'était déjà son affaire.
Ce blondinet, dont personne ne se méfiait, s'effondrait juste 3 heures sur les banquettes du restaurant, histoire de ne pas perdre de temps à se reposer, tellement curieux et avide que sa passion l'empêchait de dormir. Aujourd'hui dans "La Cuisine des Voyages" qu'il vient de publier chez Glénat, il cite, parmi un certain nombre de réflexions appropriées, cet aphorisme personnel "les cuisiniers sont d'abord les maîtres du feu".
J'ai laissé Nicolas 2 ou 3 petites années, le temps de porter, comme le disait Christian Millau qui avait déjà quitté le navire, "mes enthousiasmes ailleurs". Et puis, parce qu'on me l'avait gentiment demandé, je suis revenue passer 3 autres années au guide et j'ai retrouvé Nicolas là où je l'avais abandonné. Le temps donc, de finir en apothéose en le proposant, et en étant suivie, comme Chef de l'Année 2002.
C'était audacieux, car il n'avait que 28 ans et n'aurait pu faire qu'un feu de paille, mais on sentait déjà en lui cette puissance, cette ténacité, cette originalité qui ne se sont jamais démenties. En le choisissant, je voulais, figurez-vous, valoriser une manière d'accessibilité dans la cuisine. De la grande gastronomie certes, le restaurant qu'il a ouvert ensuite à Lyon à son propre compte, n'est pas précisément bon marché, mais il est resté abordable (le menu Affaires du déjeuner est à 58 euros).
Rien à voir avec les chefs performants que l'on met en avant aujourd'hui et qui, pour talentueux qu'ils soient, n'en sont pas moins des enfants gâtés, employés dans des palaces pour lesquels les prix – ce que ça coûte et ce que l'on facture - ne comptent pas. Ils ont des moyens certes et ils en tirent parti. Mais qui fréquente leur restaurant mis à part des hommes d'affaires ou politiques internationaux qui ont autre chose à faire que d'apprécier le contenu de leur assiette ? Où est le temps du vrai plaisir, pour tout un chacun, d'aller au restaurant, de faire des découvertes, de tenter des expériences enrichissantes.
Dans son livre, Nicolas Le Bec dit encore que "le restaurant de luxe n'est pas le meilleur endroit pour bien manger", lui qui est allé goûter dans la rue un bouillon d'escargots à Marrakech, une pizza toute chaude sur une serviette en papier à Naples. Aucun snobisme toutefois, dans tout cela.
Evidemment, ce "trekkeur de saveurs" - pour citer Jean Louis André qui a écrit textes et portraits de l'ouvrage* - se réapproprie ses expériences et les restitue dans sa cuisine à Lyon. Capitale de la gastronomie certes, mais pas confite dans ses habitudes puisqu'elle fait confiance à Le Bec et lui demande beaucoup.
C'est lui par exemple, qui ouvrira au printemps une brasserie, l'Espace Le Bec et le Bar Lounge, à l'aéroport Saint Exupéry dans laquelle il servira une cuisine des voyages respectueuse des particularités et curieuse autant que faire se peut, à des voyageurs souvent pressés.
C'est encore lui qui s'installe dans le quartier de la Confluence, totalement en devenir à Lyon, qui tient là son Manhattan futuriste. Une brasserie de 3 à 400 couverts et une petite enclave gastronomique, ouverte seulement le soir pour une trentaine de couverts, dixit NLB, lui-même en décembre dernier, sachant qu'il aura toujours le droit de changer d'avis tant que l'on n'est pas à la fin 2008, date prévue pour l'ouverture. Et une épicerie (c'est son dada, il avait déjà essayé dans le Vieux Lyon quand il était à la Cour des Loges), une rue intérieure, un centre de formation pour cuisiniers amateurs et professionnels et un comptoir de bar pour casser une excellente petite croûte.
Nul doute qu'on y goûtera des plats comme ceux dont les recettes figurent dans l'ouvrage. Les Saint Jacques aux fèves et bouillon à la truffe comme à Lyon, un os de plat de côtes à ronger et crème de haricots noir de Sao Paulo, un gâteau à la pistache et mascarpone aux fraises des bois inspiré par Naples ...
* Les photos, superbes, sont de Jean François Mallet.
samedi 2 février 2008
ITINERAIRE D’UN GOURMAND INTERNATIONAL
Publié par Martine Montémont à 15:51
Libellés : Gastronomie, Transport
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