jeudi 10 novembre 2011

L'ARTISTE ET LE COLLECTIONNEUR



Ne dites pas, comme je l'ai déjà écrit moi-même, que le Musée des Beaux Arts de Lyon est le Louvre lyonnais. S'il est vrai que l'hôte du Palais Saint Pierre - dont l'illumination des façades sur la place des Terreaux sera encore un des temps forts de la Fête des Lumières qui va avoir lieu du 8 au 11 décembre à Lyon - est, en regard de l'importance de ses collections, le premier musée des Beaux Arts de France en région, il n'est, en aucune façon, la version provinciale du premier. En fait, les deux musées et quelques autres sont les résultats d'une politique culturelle régie par la loi Chaptal qui date de 1801 et qui leur a donné pour mission de présenter des oeuvres majeures au public sur tout le territoire.

Aucun suivisme donc dans les activités du musée de Lyon. Fidèle à sa mission il organise, sous la houlette de la conservatrice Sylvie Ramond, des expositions temporaires de très haut niveau tout au long de l'année.

Après celles de 2010 : "Deux frères, un nom. Bram et Geer van Velde"; "Picasso, Matisse, Dubuffet, Bacon... Les modernes s'exposent au musée des Beaux-Arts "; "Juliette Récamier, muse et mécène "... c'est le cas, cette année, de trois accrochages qui mettent en perspective le travail d'un artiste, d'un galeriste et d'un collectionneur : Le sculpteur Etienne-Martin qui est aussi l'un des plus importants du 20ème siècle; le galeriste Marcel Michaud dont la trajectoire artistique a supporté entre autres et dans le sens littéral du terme, le travail du premier; et, en point d'orgue, une exposition d'oeuvres contemporaines choisies par le collectionneur Antoine de Galbert.

"L'Atelier d'Etienne-Martin" et "Le Poids du Monde" de Marcel Michaud seront présentes jusqu'au 23 janvier 2012. Quant aux 60 oeuvres choisies dans la collection d'Antoine de Galbert intitulée "Ainsi soit-il", elles sont dans la droite ligne d'expositions conçues à partir du regard d'un amateur. Il s'agit de la troisième après "Un siècle de paysages" et "L'Emotion et la règle". Elle dure jusqu'au 2 janvier.

Antoine de Galbert, galeriste grenoblois et fondateur de La Maison Rouge, destinée à promouvoir les différentes formes de la création actuelle au travers de la présentation d'expositions temporaires, a choisi également 7 chefs d'œuvre parmi les collections du musée. "Le Christ de douleur" d'Albert Bouts, "le Saint Sébastien soigné par Saint Irène " d'Antonio de Bellis et des têtes coupées d'une momie égyptienne…

On est accueilli dans l'espace de l'exposition par une installation des battements du cœur de Botanlski, une croix constituée d'assemblages d'insectes. Le sujet tout entier est en parfaite résonance avec la 11ème Biennale d'Art Contemporain de Lyon qui se déroule jusqu'au 31 décembre.

C'est la première fois qu'une exposition d'une telle ampleur se tient autour de l'oeuvre d'Etienne-Martin et c'est à une plongée dans son atelier, aimablement ouvert par ses ayant-droit que l'on est invité. Un capharnaüm géant avec ses rails, poulies et chaînes destinées à bouger les masses de bois et les racines qui servent aux œuvres monumentales de l'artiste. On ne peut évidemment ignorer cet aspect qui a fait sa renommée.

Mais au travers des prêts exceptionnels du musée national d'Art Moderne, du musée d'Art Moderne de la ville de Paris ou encore des oeuvres rassemblées par Guy Landon pour le musée de l'Athanor à Bois Orcan (Noyal-sur-Vilaine), on s'approche d'un autre aspect plus secret et plus intime de l'univers de cet artiste à la réputation internationale. L'auteur des Passementeries, du Manteau, de cet escalier Dogon dont l'arrivée de la racine qui en est à l'origine dans l'atelier ou encore de ce qui va devenir le Cerbère, fait de lui presque davantage un archéologue qu'un sculpteur.

Né à Loriol dans la Drôme en 1913, Etienne-Martin a vécu pendant son enfance, une expérience physique très marquante. La maison de rue dans laquelle il vivait était en fait, sous une même façade, constituée de deux maisons distinctes et il était impossible de l'intérieur de circuler entre les pièces au travers du mur mitoyen sauf au rez-de-chaussée et au 3ème étage. Il est évident que l'imaginaire de l'artiste aiguillonné par cet "univers enchanté et clos" comme il le dit lui-même, a engendré la constitution et l'agencement de l'atelier.

L'exposition elle-même, au musée des Beaux Arts de Lyon dans lequel il avait été confronté pour la première fois à une sculpture de Rodin, utilise dans sa scénographie des matériaux bruts qui n'ont guère l'habitude de fréquenter les musées, tout comme Etienne-Martin qui employait les matières les plus variées. Une des grandes rencontres de sa vie s'est faite à Lyon aussi, en 1930 avec le galeriste Marcel Michaud, autre volet des deux expositions de moment.

Ce galeriste aux origines plus que modestes (il a débuté comme ouvrier tourneur...) a réussi à faire de ses galeries lyonnaise et parisienne, le "lieu géométrique où tout ce qui touchait à l'art se rencontrait". Sa fille Françoise Dupuy-Michaud" a fait don au musée en 2008 de 34 oeuvres d'artistes défendus par son père. Qui avait fait de Lyon, un foyer de la création vivante dont on retrouve les effets dans le succès de la Biennale. Sa galerie Folklore a accueilli Témoignage, un mouvement artistique aux influences picassiennes né en 1936. Toute sa vie, il a été aux côtés d'artistes qui figurent désormais parmi les plus renommés du XXème siècle. En plus, Marcel Michaud était aussi un poète et l'animateur du tout premier ciné club lyonnais... Touche à tout de génie absolument insatiable.

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