Crémant de Bourgogne par Johan Bryggare / flickr (CC by-sa/2.0) |
En pointe l’Alsace et la Bourgogne, mais aussi les vins de Loire et depuis peu, la Savoie. Un bel ouvrage « Le Crémant de Bourgogne – Deux siècles d’effervescence » sous la direction de Jean-François Bazin, est sorti aux éditions Dunod. Un superbe cadeau de Noël qui ne se boit pas, mais qui en raconte long aux amateurs.
L’institution Crémant de Bourgogne (avec un « C » majuscule impératif) date de 1975. Dès qu’ils se sont installés sur le marché, les dégustateurs professionnels, grands chefs en tête, se sont souvent amusés à glisser une bouteille de Crémant de Bourgogne, à l’aveugle, parmi de grands Champagne. Il est assez souvent arrivé qu’il remporte la première place.
Un fan club très étoilé
Ce qui aura permis à ces beaux vins effervescents de jouer dans la cour des grands. Il s’en exporte vingt millions de bouteilles dans le monde entier et les grands chefs étoilés n’hésitent pas à élaborer tout un menu autour d’eux.
Jean-Michel Lorain de la Côte-Saint-Jacques à Joigny, William Frachot du Chapeau Rouge à Dijon, Frédéric Doucet de l’hôtel de la Poste à Charolles, Jérôme Brochot de l’hôtel Le France à Montceau-lès-Mines et évidemment Patrick Bertron, triplement étoilé au Relais Bernard Loiseau à Saulieu. Tout comme les meilleurs sommeliers – on citera Philippe Faure-Brac, Fabrice Sommier (de chez Georges Blanc), Georges Pertuiset et d’autres– n’hésitent pas à avouer leur affection pour ces vins élégants.
Il leur faut se battre pour prendre place sur les tables de fêtes et les autres car la concurrence est rude. Le Prosecco italien est passé devant le Champagne à l’export et le Cava espagnol n’hésite pas à jouer des coudes. Question de tarifs bien sûr. Mais quand on s’appelle Bourgogne !
Le mousseux de Musset.
C’est Musset qui a ouvert le ban en 1830. En mentionnant le Bourgogne Mousseux dans les Secrètes Pensées de Raphaël « où dort dans ses glaçons le Bourgogne Mousseux, le pudding entamé… ». Comme il est jeune et brillant, il fait entrer le vin dans les salons. Celui de la dijonnaise Madame Ancelot où se presse déjà le Tout-Paris littéraire.
D’autant que cette mention au détour d’un poème est d’une absolue sincérité. Rien à voir avec les cafés « Starbucks » dans les séries new-yorkaises. Le marketing inexistant n’avait pas encore inventé le placement de produit.
Dans l’ouvrage, des photos d’étiquettes montrent des Chambertin et Romanée mousseux, des Pommard mousseux et des Clos Vougeot. Même si le Crémant de Bourgogne va mettre 200 ans à construire sa qualité et sa renommée, il va lui falloir évoluer au niveau du vocabulaire.
En 1919, les vins de Champagne n’ont plus le droit de s’appeler « mousseux ». Mais tous les autres vins sont en revanche rangés dans cette catégorie, quelle que soit leur qualité. Il faut agir d’urgence pour sauver sa réputation. « Mousseux » passe alors d’une image noble et prestigieuse à la ringardise la plus absolue et désigne les vins bon marché qui font mal à la tête. Ceux dans lesquels ma grand-tante trempait des boudoirs ou un morceau de sucre quand on lui en servait dans les mariages !
La Bourgogne est intimidante. On n’imagine plus Clos de Vougeot, Chambertin ou Pommard en version effervescente et même si le Bourgogne Mousseux devient AOC en 1943, il est urgent alors de lui donner ses lettres de noblesse.
« C’est Dominique Loiseau qui préface l’ouvrage de Jean-François Bazin. Ardente défenseur de ce terroir qui était si cher à Bernard, elle ne ménage pas sa peine. Elle sert ses Crémants de terroir dans des verres à Bourgogne pour accompagner par exemple un des grands plats créé par Bernard le « blanc de volaille au foie gras chaud et purée truffé ». Le Relais Bernard Loiseau http://www.bernard-loiseau.com/fr/index.php a travaillé à l’élaboration de deux cuvées exclusives de Crémant. Un « blanc de blancs » aux bulles très fines et une cuvée de Crémant rosé « sec » 100% pinot noir, délicieux sur les desserts de la maison. » |
On verra dans l’ouvrage les nombreuses exigences de l’appellation, tout ce que doit mentionner l’étiquette et comment, année après année, les vignerons bourguignons, rompus à l’excellence proposent de nouvelles cuvées sans cesse améliorées.
À la poursuite du Crémant de Bourgogne
Il a sa route touristique depuis 2007. Elle traverse 23 communes qui ressemblent toutes au village français idéal blotti autour de son église, court sur 120 km en longeant la Côte et en faisant des incursions dans les vallées de la Seine, de la Laigne et de l’Ource. Après tout, la Bourgogne est voisine et sœur de la Champagne.
Un peu sur son quant-à-soi et conscient qu’il peut, à raison, cultiver un complexe de supériorité, le vignoble de Bourgogne ne s’est jamais facilement livré.
Les choses évoluent. Des « Rencontres avec les Bourgognes » se font dans les foires et les salons et le BIVB (Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne) qui proposait des modules de formation pour les professionnels vient de mettre en place une session accessible à tous. Les structures oenotouristiques permettent aussi d’aller à la rencontre des Crémants de Bourgogne et même des prestigieux vins tranquilles.
On citera l’Oenocentre Ampélopsis. À Massigny, la maison Veuve Abal, en pays beaunois, l’Imaginarium à Nuits-Saint-Georges et Les caves de Bailly-Lapierre dans ce haut lieu du Crémant de Bourgogne qu’est le Pays Auxerrois.
Dans nos flûtes et sur nos tables
Les producteurs et élaborateurs de Crémant de Bourgogne se sont regroupés entre eux, c’est l’UPECB qui veille sur eux.
Parmi les meilleurs d’entre eux, on invitera à sa table de fête, mais aussi bien à la Saint Valentin ou tout autre occasion qui réclame des bulles, une grande cuvée rosé brut de Veuve Ambal, le Crémant de Bourgogne brut Bailly-Lapierre ou encore cet étonnant Crémant Blanc de Blancs de la Cave de Lugny que nous avons dégusté sur des huîtres Gillardeau et qui a fait merveille. Tout simplement sur le zinc de Chez Merle aux Halles de Lyon. Mais les fruits de mer étaient magnifiques et le vin à exacte température. C’est la vivacité d’un Crémant de Bourgogne Blanc de Blancs pur Chardonnay qui a d’ailleurs inspiré Jean-Michel Lorrain pour sa genèse de l’huître.
À l’apéritif naturellement, avec un dessert comme au relais Bernard Loiseau évidemment, mais sur une volaille de Bresse truffée (ou pas) ou un carré d’agneau du Charolais, on peut, en toute simplicité réaliser un grand menu qui aura beaucoup de panache et pas mal de tempérament.