mercredi 6 mars 2013

PRINCESSES ITALIENNES…

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Isabella et Maria Beatrice d'Este, Eleanore de Medicis, Mathilde de Canossa sont toutes de nobles dames qui ont régné sur la ville et la province de Mantoue dans la plaine du Pô, à l'époque de la Renaissance. Passionnée par l'histoire de la famille Gonzague qui a dominé la ville de 1328 à 1707, Lucia Lusetti, guide francophone emploie tous ses loisirs à marcher sur leurs traces...

En septembre 2012, la région pansait ses plaies et, si les cicatrices du tremblement de terre de mai 2012 étaient à peine perceptibles vues de l'extérieur et au niveau du quotidien des habitants, les grands musées et bien des châteaux étaient fermés à la visite. Question de sécurité…

Le meilleur moment pour s'y rendre et éviter les foules estivales, c'est le début du printemps et si l'on peut être dérangé par les scolaires qui visitent hors saison, jamais on ne se trouvera dans un contexte aussi navrant que celui de la foule des touristes qui se masse autour du balcon de la Casa di Giuletta à Verone. On est à 40km de là et c'est à Mantoue que Shakespeare exila Roméo.

Le romanesque est pourtant bien présent dans cette petite ville, presque un gros bourg, capitale d'une province gourmande, qui est l'équivalent d'un de nos départements. Classée depuis 2008 au patrimoine de l'Unesco, elle a appris à se défendre au 12ème siècle en domestiquant le fleuve Mincio, affluent du Pô de façon à ce qu'il entoure la ville avec 4 lacs, forcément difficile à franchir pour les envahisseurs.

Plus vaste que le Vatican

Dans la ville où est né le poète Virgile, 18 générations de Gonzague ont habité les 500 pièces du Palais Ducal et les ont faites ce qu'elles sont aujourd'hui avant que Mantoue ne soit reprise par les Autrichiens, puis par Bonaparte, avant de redevenir autrichienne et annexée enfin par le royaume d'Italie en 1866.

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Le Palais Ducal s'étend sur 34.000 mètres carrés avec ses cours et ses appartements. La fameuse Chambre des Epoux qui était fermée après le séisme recèle encore de nombreux trésors, mais le reste de la demeure est quasiment dépourvu de meubles. Toutes les collections ayant été dispersées par les plus dispendieux des héritiers de la dynastie Gonzague. 20.000 objets précieux, 2.000 tableaux dont certains ont été rachetés par Richelieu et conservés au Louvre à Paris.

On peut voir encore les appartements meublés, décorés d'objets personnels et les jardins d'Isabella d'Este (1474-1539), épouse de François II de Gonzague et mère de Frédéric II, élevé au rang de duc par Charles Quint en 1530. Raffinée, elle prend sous son aile des artistes comme Andréa Mantegna à qui l'on doit notamment les fresques de la Chambre des Epoux dans le château de San Giorgio. A la faveur des guerres qui éloignaient son époux de ses terres, elle a été plusieurs fois régente du Duché. Cette femme de pouvoir, brillante et éclairée a été baptisée La première dame de la Renaissance en Europe. Sa seule rivale était sa sœur Béatrice, duchesse de Milan.

La soumission de l'Empereur au Pape

Pour rejoindre l'abbaye bénédictine de Polirone à San Benedetto Po, le mieux est encore d'emprunter le Motonavi Andes qui remonte le fleuve Mincio et qui est le seul affluent navigable du Pô. Pour le rejoindre, on passe une majestueuse écluse au bord de laquelle les pêcheurs ne s'émeuvent pas plus que cela du défilé des bateaux.

L'abbaye de Polirone a été fondée par la famille Canossa en l'an Mil. En cours de consolidation, elle doit être réouverte ce printemps. Mathilde de Canossa y est enterrée selon son vœu. Elle est à l'origine de l'expression "aller à Canossa" devenue courante dans le langage quotidien. Henri IV, empereur Romain Germanique (et pas celui de la poule au pot…), après avoir décidé de nommer lui-même les évêques contre l'avis du Saint Siège est allé supplier le pape Grégoire VII de lui accorder son pardon (pour éviter ainsi l'excommunication) pieds nus dans la neige devant le château de Reggio Emilia où il était l'hôte de la comtesse Mathilde.

Tout comme Monte Cassino, San Giovani Evangelista à Parme et San Giustina à Padoue, l'abbaye du Polirone fait partie des 40 sites clunisiens d'Italie et il est le seul à avoir conservé ses dépendances. Le réseau médiéval de 1400 sites, rattachés à l'abbaye bourguignonne se sont mobilisés après le tremblement de terre pour procéder à sa consolidation.

Le palais des illusions chatoyantes

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Retour à Mantoue au palais du Te , construit par Frédéric II de Gonzague pour y installer sa jeune maîtresse Isabella Boschetti qu'il a rencontrée quand elle avait 17 ans. Entouré de jardins et de bosquets de tilleuls, ce palais des plaisirs est tout entier dédié à l'amour et à la luxure. Poèmes érotiques, enfilade de petites pièces privées qui permettaient de se dissimuler, pavillon de la Grotte aux murs couverts de coquillages et de porcelaines où se baignaient les courtisans et dont on peut dire qu'ils avaient inventé les premiers plaisirs du Spa, ce vaste temple du maniérisme donne à voir de stupéfiantes curiosités comme la Chambre des Géants qui avait épouvanté Dickens en son temps.

A la fin de la dynastie Gonzague, le palais est devenu une caserne militaire autrichienne. Le destin a parfois de drôles d'idées.

Si ces palais et abbayes sont les sites majeurs à visiter dans la province de Mantoue, il existe aussi, comme dans toute région au puissant passé historique, de nombreux musées et édifices à découvrir comme l'Oratorio di S.Andrea di Ghisione, dépendant du Polirone et lui aussi en cours de consolidation. Ou encore l'étonnante Villa Bisighini à Carbonara di Po, l'œuvre d'un riche mécène du 19ème siècle dont toute la famille est enterrée dans un imposant mausolée au fond du jardin.

Seul petit bémol, si la région fourmille de trésors, elle manque un peu de fibre touristique. Il faut faire des efforts, si l'on veut attirer les visiteurs français et traduire davantage dans leur langue guides et dépliants. De même pour de nombreux sites Internet tout en italien.

Interdire, pourquoi pas et tant mieux, les photos au flash et même sans, dans les palais, y compris pour la presse. Mais en mettre à disposition, réalisées dans de bonnes conditions qui évitent d'abîmer les œuvres, de façon à ce que nous puissions quand même vous les montrer.

On pourra aussi en profiter pour assister au 20ème anniversaire de "Tempo d'Orchestra", festival de musique international dans la province de Mantoue qui dure jusqu'au 26 avril. Très éclectique, le programme est composé de musique baroque (Rameau, Marais), d'œuvres de compositeurs allemands (Bach, Haendel, Mozart, Brahms, Mahler), français (Bizet, Fauré, Ravel, Saint Saëns), russes (Stravinski), anglais (Purcell, Bridge, Britten), américains (Copland, Bernstein) et de grandes voix de maîtres de l'Est.

On rejoint la "seconde Venise", ainsi que la désignait Montesquieu, par l'aéroport de Milan Linate ou encore, pour en rajouter dans le charme, par celui de Verone - Valerio Catullo.

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