jeudi 12 juillet 2012

UNE AUTRE PAIRE DE MANCHES…

Vue sur la campagne langroise depuis le toit de la Cathédrale Saint Mammès de Langres.
L'expression vient du Moyen Age et, comme beaucoup d'autres, on l'utilise encore énormément de nos jours tout en sachant rarement d'où elles viennent. C'est Catherine Boussard qui les raconte en commentant les trésors de sa ville médiévale de Châteauvillain exactement située à l'époque aux frontières du royaume de France et des duchés de Lorraine et de Bourgogne. Forcément, il y avait pas mal d'agitation. Ce qui a laissé des traces…

Pendant que les comédiens préparent à Langres leur spectacle pour un Estival des Hallebardiers qui commence les 27 et 28 juillet et dure jusqu'au 25 août à travers les rues de la cité fortifiée, on part à la rencontre de l'Histoire à la frontière de ce qui était autrefois le royaume de France, le duché de Bourgogne et celui de Lorraine. A la découverte de la ville de Langres et ses impressionnantes fortifications, des jardins du château de Joinville et de l'étonnante cité de Châteauvillain…

J'ai commencé à évoquer la riche histoire de la Haute Marne et ses très nombreux et illustres personnages à la fin du printemps. De Gaulle, Voltaire, Diderot et beaucoup d'autres ne faisaient qu'investir un territoire qu'avaient occupé avec détermination les ducs de Guise et les sires de Joinville, les ducs de Vitry et de Penthièvre.

On trouve trace de leur présence dès le 12ème siècle, mais encore bien plus tôt à Andelot, puisque le traité  signé en 587 entre Brunehilde et les rois francs est peut-être le plus ancien document politique conservé de l'Histoire de France.

Le fief des ducs de Guise

Le château de Joinville et son Grand Jardin a été construit par Claude de Lorraine, le duc de Guise, entre 1533 et 1546. Il ne s'agissait, en fait, que d'une construction de plaisance dominée par l'ancien château érigé sur un éperon au XIème siècle et propriété de la famille. Il n'en reste rien du tout. Il a été détruit en 1791. Epoque difficile pour les demeures seigneuriales…

Soigneusement restauré, le "château d'Enbas" accueille des expositions et vaut surtout pour son parc romantique dont Hubert Puzenat, grand spécialiste et expert reconnu de l'art topiaire entretient les chefs d'œuvre au lieu de couler une retraite insupportablement inactive. Les essences rares sont nombreuses. Le gingko biloba (une espèce vieille de 160 millions d'années) côtoie le séquoia géant de Californie, le cyprès chauve qui vient de Louisiane et le liquidambar et sa sève d'ambre liquide, précieuse pharmacopée.

Entre les sculptures contemporaines qui s'intègrent parfaitement bien à la végétation, un cygne noir monte la garde dans les étangs et se fâche volontiers contre les promeneurs. Lesquels ont le droit, au moment des récoltes, de se servir dans le jardin potager.

La petite ville de Châteauvillain a aussi sa célébrité contemporaine, (Simone de Beauvoir y passait ses vacances chez sa grand mère), mais elle est au moins aussi impressionnante que Langres et ses remparts qui espère son classement au patrimoine de l'Unesco. Non pas au titre du Patrimoine Vauban, mais à celui de plus grande enceinte fortifiée d'Europe (3,5 km de remparts).

Car la tour de Navarre, malgré ses 28m de diamètre et ses murs de 13 mètres d'épaisseur, non plus que les tours d'artillerie, les chemins de ronde et les 7 portes de la ville ornées de niches religieuses, ses maisons anciennes et ses fontaines ne sont pas l'œuvre de Vauban. Le génie militaire s'était contenté de venir les apprécier en 1698.

Pour découvrir Châteauvillain, il faut absolument rencontrer les membres passionnés de l'association "La Clef des Champs"  qui déploient une énergie stupéfiante pour entretenir et faire découvrir la ville.

A la suite de Catherine Boussard, on apprend qu'au Moyen Age, la citadelle et son château était protégés par une enceinte de 2,6km et comptait 60 tours. Des trois portes de la ville, il ne reste qu'une seule, la porte Madame qui constitue l'entrée du Parc aux Daims, un espace de 272 ha qui devrait accueillir en 2013 la station forestière touristique Animal' Explora.

C'est en considérant la maquette présentée dans la tour de l'Auditoire que l'on mesure l'espace occupé par le château dont il ne reste plus grand chose aujourd'hui. N'allez pas imaginer qu'il a été détruit par la Révolution. L'ignorance est aussi très forte pour faire des dégâts. Il a été vendu comme carrière de pierres et traversé de part en part par la nouvelle rue principale que l'on voulait plus large. En 1804, l'église St Berchaire, le château des Broyes, la salle d'arme, celle du pilier et la porte de 2,60 m y sont passés!
Si toutes ces merveilles avaient tenu jusqu'à l'époque de Malraux, elles auraient peut-être été sauvées comme la vieille ville de Sarlat, Uzès et le Vieux Lyon.

Expressions médiévales

N'empêche, il reste beaucoup à voir et à entendre à Châteauvillain. Dans la Tour de l'Auditoire, on jugeait les prévenus et même les animaux comme les porcs et les mulots (!) qui risquaient jusqu'à l'excommunication.

Catherine Boussard captive son auditoire avec les expressions du Moyen Age qui sont arrivées jusqu'à nous.
On consignait les jugements sur un parchemin que l'on entourait autour d'un rouleau appelé "rôle". Et on jugeait ainsi les affaires à "tour de rôle". Elles étaient ensuite rangées dans un sac, ce qui fait que l'on pouvait dire que "l'affaire était dans le sac".

Pendant les tournois, les dames, qui portaient des robes lourdes et difficiles à nettoyer avec des manches amovibles, les détachaient pour les lancer à leur chevalier. Première manche, seconde manche et si les combattants n'étaient pas départagés, c'était, vous l'avez compris "une autre paire de manches".

On découvre aussi le jardin médiéval dont les productions servent à organiser des festins médiévaux; le lavoir à parquet flottant qui permettait de régler la hauteur pour travailler. Il est unique en France. Et aussi l'impressionnant colombier où vivaient jusqu'à 12.000 pigeons, lui aussi un des plus grands de France (Diderot le cite dans son Encyclopédie). Ils étaient élevés pour leur fiente qui servait d'engrais aux cultures et sa taille témoigne parfaitement de l'opulence de la ville.

Les seigneurs de Châteauvillain sont illustres dans l'histoire. Après Jean 1er arrière-petit-fils de Louis VII et pour ne citer qu'eux, il y a eu Nicolas de l'Hôpital, duc de Vitry capitaine des Gardes de Louis XIII et le Duc de Penthièvre, petit-fils de Louis XIV et de Madame de Montespan, grand seigneur - parce que son père avait été légitimé - , à la fois très riche et très généreux, il était surnommé le Prince des Pauvres. Avec ses grandes familles et toute l'histoire de France qui bruisse dans ses bourgs et ses villages, la Haute Marne a beaucoup à raconter.

Pour y séjourner, les chambres d'hôtes, gîtes et toutes sortes d'hébergements se sont multipliés. On peut aussi largement profiter de la nature, des forêts à pied et à vélo et des spécialités locales comme le fromage de Langres et les écrevisses de Thonnance-lès-Joinville dont c'est la pleine saison.

A l'automne, viendra le temps de la chasse (le Salon des Plaisirs de la Chasse et de la Nature se tient justement à Châteauvillain les 25 et 26 août…) dans une forêt domaniale de 10.000 ha qui sera bientôt, avec celle de la Côte d'Or, Parc Naturel National. Mais aussi celui des truffes, des vins, des alcools de fruits et de tout ce que produit cette terre grasse et généreuse. Mais là encore, c'est une autre paire de manches!

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