mardi 14 octobre 2008

DE GAULLE A COLOMBEY



Quand j'ai visité le Mémorial Charles de Gaulle et la Boisserie dont le Général disait "c'est ma demeure" comme s'il était permis d'en douter, je n'avais certes pas autant de préoccupations en tête que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel qui se sont rendus quelques jours plus tard à Colombey les deux Églises pour l'inaugurer.

Ils avaient malheureusement le regard davantage fixé sur les problèmes de la Bourse, de l'économie et de la croissance en berne, que sur les merveilles de ce Mémorial d'essence tout à fait exceptionnelle.

On va dire toutefois, qu'homme et femme d'Etat, ils auront fait quelques instants abstraction des soucis de leur charge pour aborder l'univers de De Gaulle intime et se diriger avec lui vers la grande histoire. La nôtre, celle de tout le XXème siècle avec ses multiples horreurs et ses trop rares bravoures (et non "bravitudes"). Ils auront pu profiter d'un délicieux soleil d'automne, sous lequel les vastes prairies et les grandes forêts chères à l'homme du 18 juin sont encore plus belles, plus vastes, plus généreuses et davantage propices à élever des esprits qui ne demandent que cela. Sinon que ces paysages de Haute Marne, sont également saisissants sous la neige et en toutes saisons comme sait l'être la campagne. (Il y a, au Mémorial, dans l'espace qui présente la Boisserie, des images de pas dans la neige, ceux du promeneur solitaire qui voulait refaire le monde comme bien des hommes certes, sauf que lui y est vraiment parvenu).

A la différence de l'Historial des Invalides qui est, lui, très présidentiel, le Mémorial de Colombey les deux Églises développe un propos très personnel. Dans son aile principale de 4000 m2 sobrement plantée au pied de la Croix de Lorraine géante en granit de Bretagne, on a reconstitué le bureau du Général à la Boisserie, là où il écrivit ses Mémoires. Installé dans la tour ajoutée par lui-même à la construction, il ouvre large sur la campagne. Au pied de la dite tour, une plaque d'orientation indique à la verticale des fenêtres la direction de Paris au-delà de l'horizon. De son fauteuil d'écrivain, De Gaulle aurait pu voir la tour Eiffel. Si modeste soit–il dans sa grandeur exigeante, il ne perdait jamais le Nord !

Au travers d'une scénographie très léchée, on découvre au Mémorial de Colombey, le De Gaulle des tranchées pendant la guerre de 14, celui qui a essayé de s'évader au moins 3 fois, l'appel du 18 juin naturellement, les pavés de Paris reconstitués le jour de la libération de la capitale avec de petits drapeaux français parsemés çà et là comme un lendemain de 14 juillet, la naissance des 30 Glorieuses avec ses robots ménagers, ses machines à laver, les disques de Sheila et Claude François. Mais aussi la guerre d'Algérie, les slogans les plus éprouvés de Mai 68, les journaux parus et même un exemplaire de Hara Kiri qui titrait "Bal Tragique à Colombey - 1 mort" au lendemain du décès du Général le 9 novembre 1970. Il est introuvable à la Bibliothèque Nationale et a été déniché chez un bouquiniste par Frédérique Dufour, commissaire de l'exposition et historienne, qui en est très fière et ne considère pas sa présence au Mémorial comme iconoclaste. Loin de là !

La pièce du rez de chaussée dans laquelle on termine la visite est consacrée aux obsèques du Général. On s'assied un instant, comme à l'église et, allez savoir pourquoi, on a l'impression, près de 40 ans plus tard, d'assister au service funèbre.

La Boisserie avec sa tour orientée vers ParisIl faut ensuite se rendre à la Boisserie pour fouler les feuilles mortes du parc, imaginer le personnage avec ses enfants et ses petits enfants, qu'il appelait ses "babies" et parcourir les 3 pièces que l'Amiral Philippe De Gaulle laisse libres à la visite. On y découvre les cadeaux des chefs d'état étrangers, une galerie de portraits dédicacés des grands de ce monde rencontrant celui qui était devenu le chef de l'Etat français, le bronze d'un homme seul sortant du naufrage une barque marquée France, un Saint Jean-Baptiste prêchant dans le désert, la bibliothèque et toute la littérature française essentielle. Tout est resté comme Yvonne de Gaulle l'a laissé en quittant la Boisserie. Le téléphone sous l'escalier (ce "gadget pour femmes bavardes", selon le général) et le fauteuil de cuir usé dans lequel il lisait pendant que Madame de Gaulle tricotait dans son dos à la lumière du même lampadaire que son grand homme. Economies obligent. C'était la marque de fabrique de la famille…

Pour profiter d'une grande journée à Colombey (il faut ça !), on pourra se rendre à l'Hostellerie de la Montagne où Jean Baptiste Natali, étoilé Michelin prépare une excellente cuisine et propose aussi de livrer ses secrets avec des cours organisés. Un forfait spécial "A la Table du Général" constitué d'un séjour de 2 jours et 2 nuits et valable toute l'année est proposé pour 496 euro par personne.

Aucun commentaire: