jeudi 4 décembre 2008

VILLAGES A TRUFFES

Ménerbes (84 – Vaucluse)

Ma grand-mère, qui avait été élevée à la campagne, ignorait totalement le luxe. Même si, pour "l'occuper", avec les autres gamins du village, en attendant le 1er octobre, jour de la rentrée des classes, on l'envoyait vendanger à Meursault (21 – Côte d'Or). Elle était "bourrrguignonne" et elle a mis du temps avant de seulement mettre son nez dans un verre du meilleur vin blanc du monde. Elle vendangeait, les propriétaires employait ainsi une main d'oeuvre gratuite qui fonctionnait au coup de pied aux fesses. Rentrée en classe, il n'était pas rare qu'elle fasse la vaisselle de la maîtresse, avec les autres filles, dont c'était le rôle avant tout à cette époque là.

Aujourd'hui, on dirait que c'est une forme d'esclavage. Non je n'exagère pas...
De la même façon – et ça, c'est tordant - elle brossait les truffes avec les autres gamins, toujours. Stupéfaite d'en découvrir les prix quand je lui en ai fait goûter chez les grands chefs, elle me confiait, espiègle, qu'avec les autres enfants, ils ne se donnaient le mal de les nettoyer que quand elles étaient parfaitement rondes. Si elles étaient un peu tordues ou trop petites, donc difficile à brosser convenablement, "on les jetait aux cochons !"

Sans doute les truffes en question étaient-elles des Tuber Uncinatum, celles que l'on trouve en Bourgogne à Noyers sur Serein (89 – Yonne), par exemple, classé parmi les Plus Beaux Villages de France et qui organise 3 Marchés aux Truffes, début novembre et les 7 et 21 décembre. Elle est excellente avec son parfum de sous-bois et son goût de noisette et moitié moins chère que la luxueuse Tuber Melanosporum. Une excellente alternative à la truffe chinoise qui envahit nos marchés.

70% de la production se trouve dans le sud de la Drôme et le Tricastin. Dans les ravissants villages de Ménerbes, (84 – Vaucluse), qui a installé le Musée de la Truffe et du Vin dans l'hôtel d'Astier de Montfaucon qui date des XVII et XVIIIème siècle, Gordes (84 – Vaucluse), Roussillon (84 – Vaucluse), et tout ce Luberon qui ne donne pas sa pleine mesure qu'en été.

Entre la St Sevrin (27 novembre) et la Saint-Joseph (19 mars), pleine saison de récolte de la truffe, les marchés battent leur plein. Comme à Richerenches (84 – Vaucluse) tous les samedis matins. C'est à ne pas manquer, car les chefs les plus étoilés s'y retrouvent. Même si le marché n'est pas très coloré comme le sont les marchés provençaux en été. On négocie les "diamants noirs" directement dans les coffres des voitures. On pèse avec une petite balance. On échange les poignées d'euros et on repart avec ses précieux achats dans un sac en plastique sali de terre. Vous pouvez participer à la fête en consultant le bel ouvrage intitulé "Richerenches la secrète – Marché en terre de truffes" qui vient tout juste de paraître chez La Muse Editeur. Il est vendu en librairie et directement en ligne. En revanche sur place, il ne faut pas manquer la Messe des Truffes qui se tiendra le 18 janvier 2009. La coutume consiste à remplacer les sous de la quête par des truffes. La paroisse de Richerenches et son curé sont plutôt opulents !

Photo Annick GuillaumePour en savoir davantage sur cette truffe d'exception, on profitera aussi d'un passage dans la région pour visiter la Maison de la Truffe et du Tricastin à Saint-Paul-Trois-Châteaux (26 – Drôme) et on se rendra, dans la foulée, à la fête de la Truffe qui se tient chaque année, le 2ème dimanche de février.
Les maisons d'hôtes dans la Drôme et le Vaucluse et bien sûr les établissements de luxe comme le Château de Rochegude (26 – Drôme), propose tous des week-ends "truffes" avec visite d'une truffière, "cavage" avec le chien et dégustation de menus truffes.

L'autre grande région de la truffe, c'est le Périgord. Les séjours et Marchés aux Truffes sont tout aussi dynamiques qu'en Vaucluse et nombreux sont les amateurs qui pensent, en toute bonne foi, qu'il s'agit de la région de production exclusive de la mélanosporum. Dans le ravissant village de Belvès (24 – Dordogne), à 35km au sud-ouest de Sarlat, on profite des week-ends " tout truffes" pour visiter les sites troglodytiques. Sur les Chemins de Compostelle, stop à Auvillar (82 - Tarn-et-Garonne) pour visiter le marché truffier de Lalbenque et de la maison Gaillard et séjourner dans le gîte d'étape d'Elsa et Manu ou chez Valérie Hartig, qui a abandonné la pression des grandes maisons étoilées pour reprendre l'hôtel-restaurant du village.

La truffe réinvestit depuis peu des terroirs où sa culture a été abandonnée (en fait, elle pousse où elle veut et ne se cultive pas, mais c'est en plantant des chênes truffiers ou même des cèdres comme en Auvergne à Saint Floret qu'on l'encourage). Depuis quelques années, des passionnés ont réinstallé une truffière dans le Bugey, à la sortie du village de Contrevoz. Sylvain Cochet, à l'auberge du village, s'attache à n'utiliser que celle-là dans sa cuisine et Nicolas Serrano parfume au jus de truffes noires le Reblochon fermier du menu spécial qu'il propose pour fêter la nouvelle année dans son restaurant "La Cigale d’Or" à Seillonnaz.

Aucun commentaire: